Sur la fin de sa carrière, Kinji Fukasaku propose une lecture d’avenir de la jeunesse. Il laisse derrière lui « Tora! Tora! Tora! », « Guerre des Gangs à Okinawa » et « Virus », qui ont marqué sa filmographie. A présent, il anticipe l’effondrement de la barrière du respect qui existe entre les adolescents et les adultes. Ce fossé de génération est donc une étude sociétale, basé sur la violence et l’éducation. Le registre a beau sombrer dans une marre d’hémoglobine, l’adaptation de Koshun Takami prend du sens au fur et à mesure que le récit se construit.


Quel serait le but de toute cette haine ? Pour étouffer les éventuelles sources de révolte, un Survival est mis en place pour l’exemple. On critique ainsi une nation Japonaise confuse, où son jeune public reste inerte à la prise de responsabilité. Le réalisateur l’annonce lui-même. Il n’a pas l’intention de vendre ce pur divertissement que beaucoup de spectateur adulent pour sa première lecture apocalyptique. Il remet en question l’éducation et son système dont le pays du soleil levant souffre. Le régime totalitaire, au nom du gouvernent et de l’armée à l’appui, est un prétexte pour inciter la jeunesse à manifester un effort pour la société. Il en va de même pour les liens sociaux qui sont vivement encourager. On le sent dans l’ambition du professeur, où Takeshi Kitano lui donne le meilleur des charismes.


Nous avons ensuite ces élèves, stéréotypés dans le fin fond des codes de l’horreur. Ceux-ci ne sont là que pour y rester et proposer des arguments sur la fragilité mentale d’une jeunesse en quête identitaire, même si elle la refuse. Chacun tente ainsi de survivre ou de s’échapper de ce jeu mortel. L’individualisme est donc de rigueur alors que le collectif est en péril. Ce contresens renforce le sentiment que la force unifiée permettrait la rédemption. Or, ce n’est pas toujours le cas et la crise est bien réelle au Japon. Que ce soit le suicide ou la traitrise, la formule n’est pas le remède que le monde attendait. La ruse et la confiance en revanche, sont les valeurs que doivent suivre les héros pour s’en sortir. Chacun possède une « arme » et s’en servira si nécessaire. De nouveau un contresens, car la nature même du jeu est une punition. L’arme est censée être détenue par les aînés. En un sens, c’est le cas car ils ont le contrôle de vie ou de mort. Voilà toute la métaphore qu’explore le réalisateur dans une société en perdition.


L’Humanité au sens large est à la fois jugée et accusée. Sa sentence n’est autre que le pardon qu’il doit gagner en sacrifiant la vie de ses proches. Cette rupture sociale justifie les motivations de Shuya (Tatsuya Fujiwara). Il illustre tout ce que l’adolescent endure dans sa crise. Il passe par la peur, la tristesse, le doute, tout cela en même temps. La direction finale qu’il prendra ne dépend que de lui et nulle influence extérieure lui donnera raison. Quant à sa camarade Noriko (Aki Maeda) pour qui il nourrit un amour inconditionnel, étant donné le contexte, elle représente cette infime par d’idéal que l’on recherche. Noyée dans la masse, elle constitue une part majoritaire qui ne peut s’affirmer. Son isolation est à la fois son salut mais devient également sa perte… Sans pour autant juger, Fukasaku ne rentre jamais dans la critique mais dans la discussion. Il explose les faits à la manière d’un théâtre d’horreur, qui met en scène tout un système qui a du mal à s’unifier.


Ce « Battle Royale » est un bon mélange de gore et d’action qui mesure chaque goutte de sang versé. La mise en scène peut déplaire, mais le fond du propos, sadique tout comme le message sarcastique que l’on nous tend au nez est très appréciable. C’est avec dureté que le film emprunte l’unique direction éducative qui doit réveiller, voire secouer une jeunesse japonaise passive. On prend ainsi un malin plaisir à décortiquer cette philosophie, miroir de la société contemporaine.

Cinememories
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le 17 juil. 2017

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