(attentions quelques spoilers sur la série (jusqu'à la fin de la saison 2), mais peu sur le film en lui-même)

Razor revient sur la saison 2 de la série et présente une nouvelle lumière sur les évènements tragiques qui se sont déroulés à bord du Battlestar Pegasus. La narration est divisée en trois temps, alternés au cours du récit. Le plus proche du présent se déroule au cours de la saison en question et présente une histoire d'hybrides cylons marquant la transition de ceux-ci entre pures machines mécaniques et être organiques. Un autre présente l'histoire du Pegasus de la chute des 12 colonies (pilote de la nouvelle série) jusqu'à la promotion de Lee Adama au rang de Commandant du Pegasus (épisode 17 de la seconde saison). Enfin, le dernier présente des flashbacks centrés autour de l'Amiral Adama durant la première guerre contre les cylons, 41 ans plus tôt.

Autant le dire dès le départ, le film n'a aucun intérêt pour qui n'a pas suivi la série. Toute personne qui se lance au hasard dans ce téléfilm sans l'avoir vu se réserve entre une heure et demi et deux heures (suivant la version regardée) de moments rasoirs (*bah doum psshh*). En revanche, les passionnés de l'univers de BSG seront ravis de voir approfondis certains éléments de l'Histoire et de la psychologie de BSG.

L'intérêt de Razor se situe dans le flou laissé volontairement tout au long des évènements de la saison deux sur le comportement des officiers du Pegasus, dépeints comme impitoyables et moralement très condamnables (meurtres de civils, viols, exécutions sommaires, etc). Le Commandant Adama (père), dans un des épisodes du milieu de la saison deux, confie à son fils qu'ils ne sont pas véritablement en mesure de juger de la moralité des décisions de l'Amiral Cain puisque les rapports officiels ne donnent pas une lumière précise sur le contexte de la prise de décision de celle-ci. Razor va revenir sur ces décisions clefs citées dans la série (Saut à l'aveugle du Pegasus après l'attaque originelle, exécution et pillage de vaisseaux civils, exécution du XO refusant de suivre les ordres de l'amiral, traitement "inhumain" de l'espionne cylon), pour leur apporter une profondeur dramatique.

Et sur ce point-ci, on peut dire que le tout est très réussi. Les personnages ont des facettes ambigües et très humaines, une conception du commandement et des nécessités de guerre complètement différentes (et même opposées) de celles développées sur le Galactica. Pour cause, le Pegasus est essentiellement seul avec son équipage militaire en supériorité numérique écrasante par rapport aux civils, sans aucun représentant des institutions politiques antérieures à l'attaque, à l'inverse du Galactica dont la défense d'une flotte civile supérieure numériquement et la présence de l'ancienne Ministre de l'Education (désormais présidente) va jouer dans un équilibre des pouvoirs fragile et vacillant, mais continu sur les deux premières saisons. Le Pegasus apparaît alors comme le symbole de ce que le Galactica aurait pu devenir s'il n'avait eu son Commandant Adama sensible aux rapports humains, et un contre-pouvoir puissant dans ce cocktail de Laura Roslin, Tom Zarek, et autres médias civils. Le Pegasus et sa hierarchie sont conçus comme un rasoir : tranchant, huilé, mécanique ; une machine dénuée de sentiments, un outil dépendant d'une main humaine mais en lui-même dénué d'âme.

Plus que de simples saynètes bonus à la façon de ce que donnera plus tard "The Plan" (l'autre téléfilm, sorti après le final de la série), Razor apporte ainsi un contraste saisissant sur le fonctionnement institutionnel et humain de la flotte des survivants, mettant en valeur les rapports humain et le fonctionnement d'une démocratie aux pouvoirs séparés (notez : je n'ai pas dit "libérale", mais j'étais très tenté).

Dans la version "extended", on développe le passé d'Adama père en incluant les flashbacks diffusés sur le web (si je ne me trompe guère, je n'ai pas vérifié), ce qui donne un peu plus de croustillant à ce personnage charismatique joué avec force par James Edward Olmos (dans le "temps présent" de la série), mais hélas un peu plombé par un acteur peu ressemblant et fade comme une feuille de salade sans vinaigrette dans ces flashbacks aux yeux bleus totalement incrustés numériquement. Enfin, la dernière scène donne une sorte d'indice fascinant pour le reste de la série en soulignant le caractère particulier d'un des personnages principaux.

Pour finir, je conseille de regarder ce téléfilm non pas de façon analogue au temps de sa sortie (entre la saison 3 et la saison 4), mais après l'épisode 17 de la saison 2. Aucun spoil sur les saisons à venir ne s'y trouve, et les histoires développées ont leurs racines encore fraîches dans l'esprit de celui qui vient tout juste de regarder la saison 2 (avant que les évènements ne changent brutalement de ton).

Bref, un téléfilm comme un double épisode spécial qui donne plus de substance à l'ensemble de la série. Il serait dommage de faire une intégrale sans le regarder.


Blèh
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le 26 août 2010

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Blèh

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