En s'inscrivant ici (et peut-être involontairement de sa part) dans les traces des cinéastes du vide (je pense ici aux cinémas de Yasujiro Ozu, Michelangelo Antonioni, Chantal Akerman et Wim Wenders), Claire Denis signe une œuvre cinématographique magistrale et pourtant méconnue. Le silence et la perfection des images, des cadres, des lignes et des corps en font une chorégraphie solaire, dont la puissance des sentiments qui s'en dégage n'a d'égale que la poésie et la densité du propos. Aucun corps et aucune peau ne m'avaient autant captivé depuis le "Persona" d'Ingmar Bergman. Au bout d'une heure et demi, le spectateur sort alors irradié autant par les paysages que par la puissance mutique des acteurs. Ce chef d’œuvre contemporain du cinéma français apparait in fine aussi radical qu'essentiel au cinéma tout court.