Un train pour Vienne. Un couple parlant allemand fait une scène, empêchant Céline (Julie Delpy) de lire tranquillement. Elle fuit alors la tempête conjugale germanophone pour se réfugier plus loin dans le train, vers le calme. Tout près d'elle, Jesse (Ethan Hawke) est assis, lui aussi en train de lire. Quelque chose se produit alors, les deux inconnus ne parviennent plus à se concentrer sur leurs livres respectifs, et la dispute des deux autrichiens devient prétexte pour engager la conversation ; c'est la rencontre. Dès le début, tout le monde sait comment cela va finir : ils ne passeront qu'une nuit ensemble. Alors ils vont chercher à se connaître, sans précipiter les choses, pour se dire au revoir au matin.


Ce film tente un pari osé : faire tenir les quelques heures d'une rencontre amoureuse en moins d'une heure et quarante-cinq minutes. Et ce pari ne fonctionne pas toujours : bien que parfois justes, les dialogues sont trop souvent à la fois lourds et vides de sens. La mise en scène est minimale, relevant parfois de clichés plus imposant qu'un arrière-train de pachyderme, et la caméra ne fait que suivre le couple, jouant un rôle bien restreint, cantonnée à des plans de coupe pour le remplissage souvent consternants (oh, on va quitter l'endroit où l'on vient de jouer au flipper pendant dix minutes, et si pour faire comprendre le départ je mettais deux plans de moins de cinq secondes du flipper ?).
Mais malgré cela, on est parfois, pour ne pas dire souvent, touché par la justesse des dialogues, la beauté simple et resplendissante de Julie Delpi et le charme discret et attendrissant d'Ethan Hawke. L'intérêt réside surtout dans l'hommage peut-être involontaire au poème de Baudelaire A une passante (en tout cas, on ne peut pas ne pas y penser) : la rencontre, fugace, avortée, qui aurait pu peut-être déboucher sur quelque chose. Ici, la rencontre a bien lieu, mais elle reste fugace.


Se pose alors une question : mais pourquoi un 7, si ce n'est qu'une romance mal amenée et pataude ? Parce que pour moi, bien que très loin de la perfection de Lettre d'une Inconnue, ce film est un bon film de romance auquel on peut pardonner beaucoup grâce à sa sincérité et sa justesse. Ce 7 sera un 5, un 6 ou un 8 pour d'autres et exactement pour les mêmes raisons : j'ai réussi à pardonner les moments d'égarement du film car sa "magie" a opéré sur moi, et je comprends aisément qu'elle n'ait pas fonctionné pour d'autres.
Et pour finir cette critique, j'emprunte humblement une idée à blig en vous livrant un poème, celui auquel le film m'a fait penser et que j'ai pris énormément de plaisir à relire :


"La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;


Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.


Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?


Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !"

Créée

le 28 avr. 2015

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Xavier Petit

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