Behindert
Behindert

Téléfilm de Stephen Dwoskin (1974)

L'expérimentation comme œuvre à expérimenter soi-même

Behindert est un long-métrage expérimental tourné en mil neuf cent soixante-treize et mil neuf cent soixante-quatorze, entre München et London, du cinéaste américain Stephen Dwoskin, artiste concentré sur la représentation intime.
Se situant poreusement entre la fiction et le documentaire, le réalisateur — comme dans la majorité de sa filmographie — dévoile impudiquement ses rencontres, amoureuses et/ou sexuelles. Dans ce film, Dwoskin récapitule l'ensemble de l'existence amoureuse commune — rencontre, vie de couple, séparation.
Œuvre uniforme, notamment grâce à la bande originale — pièce fleuve de Gavin Bryars, couvrant l'intégralité du film d'une nappe sonore ambiante —, la succession des images, très montées, comme une tentative de se précipiter peu à peu (zoom lent lors de la première séquence, accélérations dans la suite) dans la tentative du cinéaste de ressouvenir, le montage venu — ce qui se confirme même lors de la prise d'images ; la pellicule (de mise pour l'époque du tournage), engage dans son processus une dépense, ayant pour conséquence un raisonnement du filmeur, qui déjà en capture directe choisit une manière —— un geste de filmeur, plus fixe, ou plus agité, à base de caméra gâchette.
L'action du cinéaste, dépassant l'archivage simplement documentaire, raconte progressivement le sentiment humain par excellence — dans sa naissance, son existence pourrissante, et sa disparition–son oubli —, sans les mots, le langage généralisé provoque émotions, attachement — quintessence de l'œuvre d'art romantique. Relatant sa pensée, la caméra prend le point de vue du cinéaste comme acteur — quand celle-ci n'est pas prise en main par un autre personnage (dévoilant ainsi une autre réalité du film : le handicap physique du réalisateur).

Évolution de la relation entre les deux protagonistes à travers le regard de l'objet filmé-acteur par la caméra dirigée de la main du cinéaste-acteur.


Lire (comprendre) par le vécu (associer), grâce au mensonge du cinéaste-reconstructeur, artiste-déformateur — l'œuvre impure, mensongère, mais rendue ainsi universelle par la volonté conjuguée de ce qui est enregistré, puis mont(r)é. Il y aurait cette manière, utilisée par le cinéaste, de rendre compte dans la durée habituelle (l'élan concis de la poésie comme source touchante) de l'œuvre filmique — support disparaissant, consultable seul sur quelque écran, ou bien en groupe, via une prévision projetée ; l'objet impalpable est déployé et rendu accessible selon les préférences du visionneur, y préférant l'intime découverte ou déployant son voyeurisme dans l'extimation d'images à deux.
La question du geste s'expose dans deux sens pour l'œuvre de Stephen Dwoskin : geste du choix d'appréhension au visionnage par celui qui revit [bien que découvrant l'œuvre, le spectateur n'a pas d'autre choix que de reconnaître l'action de rencontre qui se déroule sous ses yeux] et geste double de celui qui a vécu, doublement, une première fois dans l'immédiateté du tournage, puis dans la postérité de l'acte, originel aussi puisque re-créateur, du montage.

[Texte rédigé pour un cours théorique sur la performance artistique.]

Créée

le 7 mai 2018

Critique lue 357 fois

3 j'aime

CORPS-ANTI

Écrit par

Critique lue 357 fois

3

Du même critique

La Planète des singes
CORPS-ANTI
9

« Mais c'est un monde de fous ! Un monde de fous ! »

L'intrigue d'une grosse moitié du film est ici dévoilée. Étant de la génération 2000' j'avais d'abord pu profiter du remake de Tim Burton que je n'avais pas trouvé en soi mauvais et, il me semble,...

le 6 nov. 2012

37 j'aime

3

Flight
CORPS-ANTI
7

Atterrissage réussi! (bon d'accord, c'était facile)

À la manière d'un The Descendants en 2012, Flight permet de bien commencer cette année 2013 avec un film dramatique correctement servi. Oui, sauf qu'ici le réalisateur est confirmé et contrairement à...

le 7 janv. 2013

35 j'aime

1

Love Steaks
CORPS-ANTI
7

Tré bi1

Introduction à un tout nouveau style mumblecore, Love Steaks est le premier long-métrage de l'allemand Jakob Lass, filmé dans un véritable hôtel, fourni de son personnel le plus non-professionnel...

le 14 nov. 2014

14 j'aime