Quasiment invisible en France, où il ne fût d'ailleurs jamais exploité malgré sa présentation à Avoriaz en 1975, La Belladone de la tristesse (autrefois « La Sorcière ») constitue une expérience à part entière qui repousse les limites de ce que l'on peut attendre du cinéma. Le film pourrait se présenter comme l'accouplement entre Alejandro Jodorowsky et Ralph Bakshi qui auraient pris toutes les substances hallucinatoires existantes et qui auraient invités une bande de potes à venir faire une apparition, de Gustav Klimt à Chagall, en passant par Philippe Druillet ou Giger. Difficile aussi de résumer le film. Histoire classique de deux jeunes gens pauvres qui s'aiment et qui vont affronter le pouvoir. La femme Jeanne sera en effet violée par le seigneur et les habitants du village. Détruite, elle reçoit la visite du diable en personne qui lui propose un marché et finira par faire d'elle une sorcière. Mais loin d'être maléfique, elle se révélera un contre-pouvoir face au tyrannique seigneur qui a envoyé tant d'hommes a la guerre et n'a pas pu épargner la peste de s'abattre sur le village. Ainsi, le film se veut un hommage au rôle des femmes dans les révoltes, et en particulier la Révolution Française, comme le montre les dernières images du film dont la présence de « La Liberté guidant le peuple ».

Le film est d'une folie furieuse constante. Aucun plan ne semblent pareil au précédent, même les dessins ne se ressemblent plus au fur et à mesure du film, comme si il y avait eu une overdose d'idées, d'envies et que ce film était l'occasion de toutes les faire cohabiter. Ainsi, se succèdent des séquences hypnotiques et fascinantes : le viol de Jeanne à la fois beau visuellement et terriblement violent, la peste s'abattant sur le village, la fuite de Jeanne à travers la forêt, … La folie semble avoir contaminé ce film où le diable prend l'apparence d'une bite et la voix caverneuse de l'immense Tatsuya Nakadai. On sent l'influence de l'érotisme japonais, genre alors fleurissant à l'époque, par l'omniprésence de la sexualité dans le film sans pour autant se transformer en vulgaire film pour érotomanes. Souvent composé d'images fixes, les plans sont d'une beauté renversante mais d'une beauté presque dérangeante parfois. En effet, il y a un je ne sais quoi de macabre qui émane de ces images, presque une forme d'angoisse sans doute provoquée par l'épure qui règne sur ces dessins. Difficile donc de s'exprimer sur cette œuvre. Difficile aussi de savoir si on y a compris quelquechose où si l'on a simplement « aimé ». A ce stade la question ne se pose plus, il ne reste plus que l'expérience psychédélique qui laissera sans nul doute des images et des sensations profondément gravées en mémoire.
ValM
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le 28 janv. 2015

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