Après nous avoir régalé en filmant Abraham Lincoln chasser des vampires qui lui balançaient (littéralement) des chevaux à la gueule, le cinéaste kazakh Timur Bekmambetov s’attelle à un projet des plus improbables, à savoir la réadaptation du roman Ben-Hur, déjà formidablement mis en images par William Wyler en 1959. Pourquoi s'est-on acharné à remaker un long-métrage aussi culte ? Et surtout, pourquoi avoir confié le projet au tâcheron qui avait signé Wanted et Night Watch ? De nombreuses questions demeurent sans réponse, mais une chose était sûre : le résultat promettait d'être aussi affligeant qu'involontairement hilarant...


Affligeant, le film l'est. En revanche, pour le côté hilarant, il faut s'armer de patience. Durant une bonne heure, j'avais effectivement l'impression que l'on me privait d'un nanar que j'avais très envie d'aimer. J'assistais simplement à un mauvais blockbuster, avare de grandes scènes d'action, mais chargé en dialogues insipides et en situations stéréotypées. Pour commencer, le scénario ne rend pas du tout hommage au mythe, tout est bancal, pénible, incomplet... Bien que l'exposition nous semble extrêmement lente, la relation entre Judah Ben-Hur et son frère adoptif Messala est totalement bâclée. Ces personnages sont un creux, ils ne suscitent aucun intérêt et leurs interprètes, Jack Huston et Toby Kebbell, ont autant de charisme qu'une paire de sandales romaines.


Ensuite, la mise en scène, c'est vite dit : il n'y en a pas (vingt caméras numériques, dont cinq GoPro, planquées un peu partout et on tente de sauver ce qu'on peut au montage), si ce n'est lors d'une assez bonne scène de bataille navale, où l'action est uniquement filmée du point de vue d'esclaves coincés dans la cale d'un bateau. Mais tout l'intérêt de ce remake réside évidemment dans son unique autre scène d'action : l'incontournable course de chars. À ce moment, le film commence enfin à assumer joyeusement sa part de fun incontestable ! Bekmambetov renoue avec son sens de la démesure et du grand n'importe quoi qui faisait la sève de son Abraham Lincoln, Chasseur des vampires. Les comédiens surjouent à fond, le filmage et le découpage sont illisibles, on balance des chevaux non plus sur le président des Etat-Unis, mais dans le public de l'arène... Que du bonheur !


Néanmoins, quelques fulgurances nanardesques survenaient déjà durant la plage d'ennui que j'évoquais précédemment. À commencer par un traitement incroyablement ridicule du personnage de Jésus, qui tente en vain de diffuser son message de paix. Puis il y a à plusieurs reprises quelques coiffures et costumes légèrement anachroniques (H&M n'existait pourtant pas l'époque). Enfin, on aime beaucoup la perruque rasta de Morgan Freeman. Quelle surprise, c'est d'ailleurs lui qui assure une nouvelle fois la voix off (on ne se refait pas !)... Mais le coup de grâce se situe bel et bien dans l'épilogue qui, en plus de véhiculer une morale religieuse complètement kitsch, nous offre un happy end consternant de bêtise. On assiste hilare à une réconciliation express entre les deux frères ennemis qui, après la réplique « Ne regarde pas en arrière, l'avenir est devant toi » lancée par Freeman, galopent ensemble dans les champs, au ralenti, sur fond du musique pop à la Taylor Swift. Fou rire général dans la salle.


Après Alice de l'autre côté du miroir, Tarzan ou encore Suicide Squad, voilà donc un énième ratage artistique qui en dit long sur l'état assez calamiteux du blockbuster américain cette année. Contrairement au Ben-Hur de William Wyler, la version Bekmambetov ne gagnera pas onze Oscars, mais aura toutes ses chances lors de la prochaine cérémonie des Razzie Awards.


http://amaurycine.blogspot.com/2016/09/ben-hur.html

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le 10 sept. 2016

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