Avec « Benny's Video », Michael Haneke dénonce la banalisation de la violence par l'image, télévisuelle en particulier. Les dispositifs mettant en évidence que réalité et fiction (ou représentation) se confondent sont brillants : par exemple, Benny garde ses rideaux constamment tirés, mais reproduit en direct la rue via une caméra liée à une télévision. Quand la jeune fille lui demande de quoi il s'agit, il répond d'un air entendu qu'il s'agit simplement de la vue. Il n'y a plus, pour Benny, de différence entre la fenêtre et l'écran. Mais c'est entre autre aussi à travers l'omniprésence de la télévision et des fréquents débordement de sa bande sonore sur la vie quotidienne, que Haneke démontre l'enchevêtrement des deux. Cette première "thèse" du film semble difficile à contester et il faut reconnaitre à Haneke un grand talent de metteur en scène.
Mais viens ensuite la seconde thèse du film (attention, spoile) qui se propose maintenant de lourdement démontrer la conséquence de cette banalisation qui vire à l'amalgame. Dans sa chambre, Benny assassine donc froidement une quasi inconnue. Haneke nous épargne évidemment l'image de la scène que nous ne devinons qu'à travers un téléviseur qui retransmet en direct l'image captée par une seconde caméra. Selon Haneke, la conséquence immédiate serait donc la violence gratuite et inconsciente. Mais cet aspect me semble un peu caricatural. Le spectacle de la violence engage-t-il cette violence sanguinaire et barbare ? (Ce n'est semble-t-il pourtant pas tant en jouant à Counter Strike que l'on finit par risquer la vie des autres, mais davantage du fait de l'addiction à Farmville...).

On reconnaitra donc à Haneke un grand talent formel (que je soupçonne parfois d'être un peu narcissique), qui lui permet en particulier de mettre en place des situations intenses et dérangeantes. Haneke nous alerte à juste titre d'un risque de déréalisation du monde par sa sureprésentation. Mais ses conséquences en sont, sans doute, un peu démonstratives et caricaturales. Einstein à très justement dit quelque chose comme "Le monde est dangereux, non pas à cause de ceux qui font le mal; mais à cause de ceux qui regardent, et laissent faire."
Homlett
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le 3 nov. 2010

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