Pourquoi diable quelqu’un irait donc voir Best F(r)iends, alors que The Irishman est là et qu’il vous attend ? Parce que Tommy Wisseau, parce que The Room. Forcément, on s’attend, comme The Room, à voir un de ces nanars tellement nazes qu’on frôle la perfection dans la nazitude (rien à voir avec l’Allemagne). Mais non. On se retrouve devant un film plat mais sans le côté nanar ; on a du budget, on a un réalisateur, on a une équipe et on perd ce côté fait-maison de The Room où Tommy faisait l’acteur, le réalisateur, le producteur, le scénariste, le concierge, apportait le café, riait comme un abruti sans raison et j’en passe. Bref, c’est tout pourri…


À moins que…


Best F(r)iends nous confronte à un cinéma qui a en permanence le cul entre deux chaises ; le film ne sait pas s’il doit faire rire ou pleurer, à l’instar des deux protagonistes du film Tommy étant un croquemort complètement sous acide quand Greg Sestero campe un SDF bien habillé, silencieux et avec un côté un peu D4RK. Le film ne sait pas s’il doit être un nanar ou un thriller sombre (la première partie étant orientée humour loufoque, la seconde tourne plus autour de meurtres, de trahisons, et autres), le film ne sait même pas non plus s’il doit trancher nettement avec The Room ou s’il doit y faire des références lourdes et insistantes (en proposant un truc plus travaillé que The Room, ne serait-ce que du point de vue technique, mais en forçant certaines scènes où on se lance des ballons…). Ce mélange un peu bâtard peut rebuter, à juste titre, mais en même temps, cela accentue aussi ces deux personnages et leur univers respectif.


J’ai un peu l’impression que Best F(r)iends est prisonnier de l’image de The Room et que, paradoxalement, c’est aussi ce qu’il lui donne sa force. Il est clair que si on l’aborde sous l’angle du nanar, on va être déçu, ce n’en est pas un. Mais si on l’aborde sous un angle neutre, sans forcément avoir vu The Room, on va l’être tout autant parce que le film n’est clairement pas au niveau de son ambition d’être un (bon) film à part entière. Pour l’apprécier pleinement, il faut simplement le prendre tel qu’il est et avoir un peu de sympathie pour le duo Sestero-Wisseau. Partant de là, on sait que le jeu d’acteurs sera bancal (même si le personnage colle plutôt bien à Wisseau), on sait qu’on ne va pas assister à du grand cinéma, on sait que l’histoire aura des défauts. Mais on sera dans d’excellentes conditions pour apprécier ce que le film offre, à savoir, un univers à part où on aura droit à quelques blagues vraiment drôles pour peu que l’on apprécie cet humour absurde et très premier degré qui pousse la blague jusqu'au bout (le clown avec le chandelier dans le cul doit être enterré comme un clown parce que c'est un famille de clown insérer une photo de famille de clown ) et surtout, à cette galerie de personnages loufoques et sur-caricaturés (entre le type qui bouffe la caméra pour nous dire qu’il a vendu sa dent, le grand-père qui fait une entrée à la John Rambo pour ouvrir un distributeur alors qu'il a un physique d'huître morte, et surtout le Clint Eastwood éco+ complètement beauf et redneck, on se croirait dans un Point&Click de Lucasarts). D’ailleurs, cette comparaison avec cet univers barrée des jeux Lucas colle plutôt bien à l’esprit du film, je trouve (le talent de Luacsarts en moins, évidemment).


Donc, si on enlève la mauvaise foi de l’équation (c’est Wisseau donc tout doit être passé à la loupe pour dire que c’est mauvais alors que pas forcément), on arrive à garder cet esprit et cet humour atypique et lourdaud, très premier degré et on peut passer un bon moment devant Best F(r)iends. Reste quelques défauts, même en appréciant l’humour et l’esprit ; des scènes qui ne servent à rien (le contrôle du flic qu’on ne voit plus), la deuxième partie qui perd une partie de son humour (malgré la présence de Clint), et surtout sa durée de 3h pour, finalement, un film qui n’aurait pu tenir que sur un disque (l'argent c'est bien, moi j'aime l'argent). C'est un peu un film spécial, fait par des gens spéciaux, pour des gens spéciaux à l'humour spécial.

Ji_Hem_
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le 11 déc. 2019

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