A la fin de la séance, on se dit que Bienvenue à Marly-Gomont avait un sujet en or qui, bien exploité, l'aurait transporté jusqu'aux cimes d'un possible succès populaire. Mais l'oeuvre ne fait seulement que confirmer, finalement, l'incroyable capacité du cinéma français à manger la feuille de match, en ayant paresseusement recours à la formule de la comédie maladroite et parfois embarrassante, alpha et oméga, paraît-il, de ce que le public attend pour penser à autre chose.
Bienvenue à Marly-Gomont porte en effet en germe tous les éléments de son (semi) échec. Le premier d'entre eux était annoncé il y a longtemps déjà, dès sa bande annonce mettant en scène la France profonde face à l'inconnu. Le film exploite encore plus le filon, sous prétexte de porter soi-disant un regard bienveillant sur ces campagnards un peu (beaucoup) crétins ou dégénérés, au choix. Avec l'accent ridicule à couper au couteau, bien sûr. Et surtout, cerise sur le gâteau, avec des "vindiou !" que l'on avait plus entendu depuis les années vingts. Au moins.
Le département de l'Aisne n'en sortira pas grandi, à coup sûr. Mais c'est pas grave, parce que la France profonde, de toute façon, elle va jamais au cinéma. C'est pas grave non plus car ce sont les patelins du nord de Paris, ces Français de seconde zone dont on peut se foutre de la gueule et qui le prennent toujours avec le sourire... Dépeindre les agriculteurs de la région avec presque systématiquement les dents pourries, abritant dans leur slip une colonie de morpions, en train de picoler au bar, les pieds dans la boue, cons et racistes n'aide pas à attirer la sympathie, sans doute. Et on enfonce définitivement le clou en ressortant les pires poncifs sur la météo. Il y fait en effet toujours froid (bien sûr). Et soit il fait beau (les nuages sont gris), ou beaucoup moins beau (il pleut). Et puis devinez quoi ? Le jour de leur arrivée, il flotte comme vache qui pisse ! Etonnant, non ? L'utilisation de tels clichés contamine jusqu'à la représentation de la famille du bon docteur, tant elle est outrée et sans retenue. Expansifs à l'excès, bruyant, feignant pour l'un d'entre eux et ne jurant que par le fric et les tenues bling bling d'un mauvais goût notoire, de telles images nuisent au message de tolérance, voire confortent parfois le rejet mis en scène dans le film par les bons ploucs locaux. Problématique...
Bienvenue à Marly-Gomont saute donc dans sa comédie maladroite qui s'enfonce peu à peu dans le pataud, voire l'embarrassant, sans aucune nuance ni réflexion sur l'effet comique recherché. Car chaque tentative tombe systématiquement à plat, provoquant un soupir, voire la montée des yeux au ciel, au murmure de "non, il ne l'ont pas fait". Le film échoue donc totalement dans le genre sur lequel il est pourtant vendu avec ardeur. Le rire, animal en voie de disparition depuis une quinzaine d'année en France, devrait être déclaré espèce protégée par le CNC...
Le film souffre tout autant de son simplisme de son message et des grosses ficelles auxquelles il a souvent recours alors qu'il aurait pu illustrer un discours social bien plus corrosif, malin ou encore nuancé. Car s'il avait été débarrassé de ses oripeaux de comédie rance, Bienvenue à Marly-Gomont aurait pu dresser le portrait chaleureux d'une famille face à l'incompréhension et au rejet d'autrui. Sans ses messages simplets surlignés au stabylo, il y avait à célébrer la figure d'un homme honnête, bon, courageux et admirable dans ses efforts d'intégration et son travail au service des autres, s'imposant progressivement.
Quelques morceaux de ces thématiques surnagent pourtant çà et là tout au long du film, comme les grumeaux dans une pâte à crêpes. Parfois, un vrai regard nostalgique est porté, relayé par des souvenirs d'école, des blessures, le regard d'un enfant témoin impuissant des disputes de ses parents. Kamini, enfin, parle avec tendresse de sa famille, au détour d'une télé éteinte sur un match de foot, des exploits de sa soeur sur un terrain improvisé, ou encore d'une amie mise à l'écart que son papa a soigné. Le coeur bat enfin et la tendresse s'anime, un instant avant que la comédie aux accents parfois gras ne s'impose à nouveau, à coup d'exploration d'hémorroïdes.
Jusqu'à cette dernière partie intime, soudainement grave et nostalgique, qui redresse le film, mais hélas bien trop tard, alors qu'il se souvient enfin de l'aura d'un personnage principal qui n'est qu'esquissé. Dommage, car Bienvenue à Marly-Gomont, finalement, n'aurait jamais dû être une simple comédie facile et peu reluisante sur la région qu'il met en scène.
Behind_the_Mask, qui mélange le blanc au noir.