Bienvenue dans l’auto-dérision
En 2008, Bienvenue chez les Ch'tis pétait le box-office en France. Record des entrées en salle, détrônant ainsi La Grande Vadrouille qui culminait dans les cimes du cinéma français depuis 1966. Plus de 40 années après, Dany Boon donnait à son film le record absolu d'entrées au cinéma en France. Qui l'eût cru ?
Car a priori qu'est-ce qui aurait pu prédire une telle folie avec un sujet somme toute banal ? Je pense que les raisons sont multiples.
1. une publicité effarante, obscène et démesurée.
2. un Dany Boon, humoriste/comique qui s'essayait à l'écriture d'un film sur sa région en association avec un autre comique en la personne de Kad Merad.
3. la dichotomie nord/sud attirant un maximum de monde, curieux comme des concierges
4. confirmation(s)/infirmation(s) des idées reçues sur le Nord-Pas-de-Calais (météo, chômage, alcoolisme, mines, débiles mentaux, violences conjugales, baraques à frites, etc.
5. film, et en même temps un espèce de documentaire ultra-condensé sur la région (pour celles et ceux qui ignorent tout de cette (ma) belle région, n'y ayant jamais mis les pieds mais avec un avis très tranché !)
6. le "bouche-à-oreille" via les réseaux sociaux naissants ou peu développés jusque-là, mais qui ont permis de répandre la sortie d'un film d'un quasi-nouveau genre cinématographique; "la comédie régionale".
7. ..et pi quelques mois après l'élection d'un président/dictateur, les Français avaient besoin de rigoler un peu..euh, beaucoup même.
Voilà les quelques points sur lesquels je voulais m'arrêter sans développer outre mesure concernant l'énorme popularité dont a joui ce film.
Car niveau scénario, c'est le vide. Il n'y en a tout simplement pas. C'est un montage, un patchwork, un assemblage de choses décousues mises bout-à-bout et qui donnent 1h45 de bande pour un long métrage. Et c'est le jackpot ! Because les coûts réduits au minimum pour un magot maximal. Les fameuses lois du coût/avantage de Kaldor-Hicks et des travaux de Vilfredo Pareto. Bref, un max de fric sans se fouler un muscle.
Passé ce constat, ce film fait rire à son premier visionnage. C'est le but mais non le seul. Il est également là, selon les dires de Boon lui-même, pour faire de l’auto-dérision sur sa région, ses coutumes, "ses" ch'tis, ses a priori, casser les "on dit" sur une région qui n'a pas bonne presse dans l'imaginaire des gens, dans leurs représentations. Car il ne faut pas lire ce film du Nord-Pas-de-Calais (cf. le point n°4) au premier degré, comme beaucoup l'ont fait, mais justement de faire exactement le contraire. Dany Boon a mené tout le monde en bateau avec Bienvenue chez les Ch'tis. Et ça a plus que marché. Beaucoup ont parlé de clichés, de film niais sur le manichéisme nord/sud, sur les idées reçues d'une région, mais ce n'est pas là qu'il fallait focaliser son attention; c'était sur la volonté du bonhomme à sciemment mettre en avant ces clichés pour faire taire les mauvaises langues et exposer au grand jour sur la place publique ce qu'étaient effectivement les gros traits du NPDC, là où tous n'ont vu que "clichés".
Comme je le disais plus haut, il n'y a pas de scénario tout simplement parce qu'avec l'intention avouée de Dany Boon, il n'y en a pas besoin. Ni plus, ni moins.
Le film a suscité énormément de critiques, positives ou non. A tort ou à raison, peu importe finalement.
Dany Boon a fait le film qu'il voulait sur la région qui l'a vu naître. Parfois les gros traits sont maladroitement exposés mais jamais il ne trahit ce qu'est vraiment le Nord. Un besoin de claquer de façon évidente et ostentatoire aux yeux de tous les traits proéminents pour défaire les idées reçues ignorantes !