Il fut un temps où Tim Burton était un poète visuel et sombre, puis la plèbe lui demanda de changer de disque ... Tim Burton s'exécuta.


Ce que l'on reproche à Tim Burton depuis quelques années, c'est d'être répétitif et sans inspiration. Pourtant lorsque l'on y regarde bien, on s'aperçoit que le réalisateur devient seulement plus subtil dans sa manière de narrer ses histoires. Adepte des sous-textes, il nous a offert le formidable Charlie et la Chocolaterie, véritable métaphore du danger de la pédophilie avec le rapport du prédateur et sa proie innocente. Il a versé dans la fable contemporaine avec Big Fish, magnifique histoire de vie romanesque. Il est aussi revenu à ses premiers amours, les monstres et le macabre, avec ses poignantes Noces funèbres et son Frankenweenie.


Entre temps c'est vrai, il n'est pas resté à l'abri de quelques passages à vides, comme en témoigne le sympathique mais sans grande ambition Dark Shadows, ou bien Sweeney Todd.
Mais qu'on se le dise, si son Big Eyes n'est pas parfait, il n'en demeure pas moins très intéressant. Le plus drôle dans tout cela c'est qu'il s'agit d'un film de commande, et c'est précisément celui-ci qui pourrait bien venir redorer le blason du réalisateur.


Big Eyes est un film qui demeure sans ambition ni réel discours prédominant, mais il est aussi et surtout une magnifique déclaration d'amour à l'univers de l'art, et aux artistes en général, à leur foi indéfectible en leurs diverses créations, ainsi qu'à la force des oeuvres et ce qu'elles transmettent.
La véritable faiblesse de Big Eyes, c'est qu'il ne fait qu’effleurer tout cela sans jamais en témoigner réellement, et cela même si par instant on aperçoit clairement une once de réflexion sur l'inspiration artistique et le statut de peintre qui crée des oeuvres singulières.
Quoi qu'il en soit, la particularité de Big Eyes c'est cette concentration narrative et technique de tout ce que Burton a su nous proposer depuis des années, au service d'une histoire plus classique et réaliste.


Des marginaux, des couleurs vives, des peintures sombres, ainsi qu'un humour décalé et bien souvent noir. Burton utilise tout cela à travers le médium d'un biopic sincère et touchant, certes moins ambitieux que son Ed Wood, mais pas moins intéressant.
Danny Elfman à la musique, Amy Adams et Christoph Waltz devant la caméra, une histoire d'arnaque, des enfants étranges sur des toiles mystérieuses, une imposture, mais pas de poésie. C'est principalement ce qu'un admirateur de Tim Burton (comme moi) pourrait trouver de décevant, bien que cela ne fasse pas défaut au film pour autant. Si poésie il y avait eu, la plèbe aurait sans aucun doute sorti l'argument tarte à la crème "Il fait toujours la même chose !", et ce n'est pas le cas ici, alors pourquoi pas après tout ?


Notons tout de même une chose importante, un sous texte dissimulé dans la mise en scène, à travers lequel le réalisateur pose lui-même ce qui pourrait être possiblement les jalons de son nouveau cinéma. Il n'utilise pas d'effet spéciaux, et il ne s'autorise qu'une seule scène un peu plus fantasmagorique que les autres, celle du supermarché. Peut-être que l'on peut y voir ici un Burton qui nous montre qui souhaite changer de style et demeurer plus réaliste, moins dans l'ambiance fantastique de ses autres films. Reste à savoir si ce message s'adresse oui ou non aux mécontents qui lui reprochent d'être en panne depuis des années ...


Big Eyes peinera sûrement à s'imposer comme étant l'un des derniers bon crus Burtonien, et c'est bien dommage car le film s'il n'est pas parfait, n'en demeure pas moins infiniment sincère et touchant.

E-Stark
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le 20 mars 2015

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E-Stark

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