Il aura fallu des gros yeux pour que les nôtres soient émerveillés

Des années qu'on dit à Tim Burton d'arrêter les frais. Que le conte gothique ne fera plus son charme s'il ne maîtrise plus son sujet. Que sa force, c'était de passer de Sleepy Hollow à Mars Attacks, de tenter le trans-genres pour se laisser souffler entre deux récits morbides. Et surtout, qu'Alice aux pays des merveilles et Charlie et la chocolaterie, ça valait pas un clou. La banlieue proprette (Edward, entends-tu le chant de l'hommage?), les décors de nature nous semblant sous fond d'aquarelle, Big Eyes entame sa course sur une note bienheureuse et colorée. L'occasion pour Tim Burton de totalement se renouveler, et de nous offrir une histoire hors-norme.

Cette histoire, c'est celle du peintre Walter Keane, génie reconnu de tous qui s'attribuait les œuvres de son épouse. Pour cette histoire d'imposture, et pour camper un personnage haut en hystérie, le choix de Christoph Waltz est toujours aussi pertinent. À la manière d'un Hanz Landa, Waltz a ce don de jouer une enflure de première qui va nous apparaître sympathique. Jusqu'à la vraie évidence de folie, de manipulation sadique, on veut croire en l'innocence de Walter Keane. Cette pauvre Margaret, véritable héroïne du film, va donc subir ce mari oppressant, favorisant le profit familial au dépit de la reconnaissance artistique, et va se retrouver oppressée, contrainte de fournir des œuvres qu'elle ne peut défendre. Tim Burton joue sur les émotions, les réactions de son public en tablant sur un sujet où on ne l'attendait pas. Pourtant, on peut reconnaître ses obsessions. Les portraits aux gros yeux ne sont qu'un reflet de son univers, et le fait qu'il choisisse de parler de Margaret Keane nous rappelle ce moment où il décida de parler de Ed Wood : sa passion pour les oubliés d'une société qui évolue en laissant ses génies sur le carreau.

On avait pas eu quelque chose d'aussi coloré depuis Big Fish. Et c'est ce qui nous fait du bien, avoir la preuve que le géant Burton peut se relever de plusieurs coups durs. Ne soyez pas réticent et au contraire, dites-vous que c'est maintenant qu'il décide de faire autre chose, et surtout de nous offrir quelqu'un d'autre qu'un Johnny Depp réchauffé , qu'il faut s'y intéresser à nouveau.
ThierryDepinsun
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le 24 mars 2015

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