Dans le vague, deux poissons nagent à contre courant. Double portrait très flou qui oppose des parcours, des caractères et des personnages différents. Il y a Gary, un businessman américain cynique totalement en perdition et Audrey une femme de chambre serviable et songeuse. De cet étrange mélange entre extrême pragmatisme et rêverie ressort communément un regard ambivalent sur la rêverie mais surtout l’échappatoire au quotidien moribond.
En plein milieu d'un voyage d'affaire Gary Newman est pris d'une crise d'angoisse. Il ne comprend pas bien ce qu'il lui arrive, nous encore moins. Cette introduction est trop peu bavarde et soporifique. Une voix off venue de nul part nous explique inutilement que le personnage vient de prendre un décision importante et difficile. De là son histoire devient encore plus assommante mais prend du sens. Sans l'avoir saisi on avait à faire depuis le début aux prémices d'un chavirement d'une histoire de vie extrêmement commune. C'est une vision très pragmatique de la fatigue de la routine. La monotonie de celle-ci est bien retranscrite et se ressent sûrement un peu trop. La longue et sérieuse discussion promise est quasiment un calvaire de lassitude pour le spectateur. Excès de coupures, les ellipses presque trop bien montées fauchent les respirations nécessaires. Ces explications sont interminables, l'échange est triste et monocorde. Il n'y a qu'à la fin de cet éternel appel que l'atmosphère devient respirable. La voiture au garage, le jardinier, les enfants, deviennent des sujets anecdotiques et légers du quotidien après une dispute tendue et lourde.
Légère et brillante, Audrey Camuzet est enfermée aussi dans un train-train cafardeux. Elle le fuie d'abord dans la musique en faisant quand même le triste calcule des heures passées en transport. L'ouverture du film qui lit dans les pensées des voyageurs est assez géniale et évoque justement l'esprit rêveur du rôle d'Anaïs Demoustier. La métaphore de l'oiseau en cage est évidente et c'est assez charmant et amusant lorsqu'il prend son envol, bien qu'intriguant. C'est la deuxième fois que "Space Oddity" illustre un décollage cette année, le choix est un peu facile mais on s'en lasse vraiment pas. Au passage musical, la version proposée de "La Javanaise" est chouette aussi. La jolie mine d'Anaïs Demoustier illumine le ciel chargé de drôles d'oiseaux perdus.
La rencontre entre ces deux protagonistes ne raconte pas grand chose, si ce n'est une allure de couple mystique comme si Gary s'appelait Cooper et Audrey, Hepburn.
"Bird People" survole la profonde question de la place qu'on laisse à nos rêves, nos instincts dans un quotidien rituel de confort. C'est intéressant mais traité de façon trop onirique, le sens et le propos ne sont pas toujours clairs et parfois endormant.
Le film n'est tout de même jamais franchement ennuyeux grâce à une mise en scène très maîtrisée et un duo d'acteurs franchement présent., excepté Roschdy Zem assez pénible. La lumière et les lignes de l'hôtel sont superbement bien utilisés, la photographie fait forte impression. Utilisé l'aéroport en décor s'avère esthétiquement une bonne piste, surtout quand cela illumine le charme nocturne de se bâtiment.
Pascal Ferran nous dresse le portrait d'oiseaux en pleine envolée lyrique. Intéressant dans l'aperçu de vie des personnages assez authentiques, un peu rasoir dans un propos toujours neutre et trop peu poussé car focalisé sur la forme métaphorique.
adamkesher01
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le 13 juin 2014

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Adam Kesher

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