le nouveau film de Pascale Ferran démarre très fort, Gare du Nord, tout comme pour Claire Simon (Gare du Nord) , ou Robin Campillo (Eastern Boys). Une gare hyper vivante, fluide , avec un croisement du métro , du RER, du TGV et des Corail... des gros plans, des plongées, des cadrages qui font penser au documentaire.

Puis Pascale Ferran serre sur une rame de RER, un train qui va et vient de Roissy, une zone anonyme par excellence. Et soudain, la foule devient individus, chacun avec ses propres pensées exprimées en voix off, ses propres inquiétudes et objectifs. En plus, ces individus sont séparés les uns des autres par leur "Electronic devices", qui son ipod, qui son ordinateur, et oui, même de bons vieux livres lus parfois à la lueur d'un smartphone...
Le décor est planté, et joliment planté. On a envie d'en savoir davantage sur ces voyageurs, ces humains...

La réalisatrice serre encore plus son cadre sur Audrey, merveilleusement incarnée par Anaïs Demoustier, jeune femme très désabusée , contrainte d'abandonner ses études pour quelques heures de ménage. On voit tout de suite qu'elle n'est pas à sa place ni à l'hôtel où elle travaille, ni à l'endroit où elle ne semble faire que passer, et non vivre vraiment.
On suit également Gary Newman le bien nommé, un businessman américain proche du burn-out, et qui veut se créer une vie nouvelle. Lui aussi, à sa façon, n'est plus à sa place, et souhaite tout plaquer, femme, enfants, et stock options....

Le film s'attache d'abord à suivre Gary, un homme moderne broyé par un engrenage qu'il ne maîtrise plus, qui en vient à se séparer par skype de sa femme restée aux Etas-unis. Ferran opte pour un traitement hyper réaliste, et ça fonctionne plutôt bien, on arrive à être en empathie avec cet homme qui ne sait plus où il habite ni comment il s'appelle. Il veut être libéré d'un carcan et d'une vie qui n'a plus de sens pour lui, ou plus exactement, une vie qui est synonyme de mort, car comme il dit, il se sent "comme un morceau de sucre qui se dilue au fond d'une tasse".

Puis on le laisse pour suivre Audrey, si fraîche et pourtant si seule. Seule au point d'accepter des heures supplémentaires en fin de journée, dans un travail harassant, inintéressant, et qui ne fait que favoriser la solitude et le mal-être qui forgent déjà son quotidien. Tout comme Gary, elle aussi est attirée par l'appel du vide, et la réponse que Ferran a imaginé pour l'en sortir est une réponse pas banale, poétique, mais hélas qui plombe beaucoup trop le rythme du film. La coupure entre les 2 parties du film est si brutale, et l'échelle des points de vue si différents que le spectateur est dérouté, puis perdu.

Ce film a pour lui de proposer des choses inédites, avec de vrais enjeux de cinéma en ce qui concerne la réalisation, mais l'ensemble ne fonctionne pas très bien, le parti pris est trop écartelé entre un réalisme hyper prononcé, et une deuxième partie de film trop poético-onirique, ce qui l'empêche de s'accrocher naturellement à l'histoire de Gary.

Quant l'épilogue arrive, c'est déjà trop tard, on n'adhère plus tout à fait à cette histoire, et c'est bien dommage, il ne fallait pas grand chose pour en faire un très beau film.
Bea_Dls
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le 28 mai 2014

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Bea Dls

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