Le film m’intriguait : j’aime beaucoup les personnages des Birds of Prey et je me demandais bien ce qu’il allait pouvoir ressortir d’un tel film. L’ajout du personnage de Harley Quinn, peu à peu confirmée comme héroïne de l’histoire m’a rendu de plus en plus sceptique, mais les bandes-annonces laissaient entendre que ça serait déjanté, il y avait l’idée qu’on aurait droit à la première équipe de super-héroïnes. Le résultat sera au final concordant avec ce que je m’attendais : un film fun et sympa, mais très loin d’être exceptionnel.


Tout d’abord, je trouve le choix du titre dommage. Certes, le projet sur les Birds of Prey était central au développement, mais il est clair que ce film est un film sur Harley Quinn et elle aurait dû être la seule tenante du titre. D’ailleurs, The Fabulous Emancipation of One Harley Quinn aurait été un titre fabuleux pour ce film, tellement il résume et illustre bien le message de ce film : l’émancipation de Harley et, par son biais, des autres femmes en général. Ce thème est le cœur du film et sera, à mon sens, très bien exploité. Que ce soit dans le message du fond, mais aussi sa mise en application via le personnage de Harley.


Parce que oui, on retrouve un peu ce côté moderniste du personnage, qui a été créée comme une sidekick du Joker, dépendante et terriblement amoureuse, mais qui au fil des années, de son évolution et de cette relation abusive, a décidé de s’en écarter (dans les runs les plus récents, on les voit rarement ensemble au final). Et le film joue très bien là-dessus, avec ce désir de s’affranchir du Mr J, mais aussi le fait qu’Harley est ce genre de personnage qui retournerait droit dans ses bras aux premiers appels. J’ai aussi beaucoup aimé comment cette relation s’installe dans l’univers du film, avec cette espèce de sauf-conduit autour de Harley dû à l’aura terrifiante du Joker, et ce que sa disparition entraîne.


Et c’est ce qui rend le film intéressant et fun : l’évolution du personnage de Harley, comment celle-ci prend peu à peu son indépendance, la proclame même puis l’affirme. Sauf que la conséquence directe, c’est que les autres personnages n’ont au final que peu l’occasion de briller. Je ne vais pas m’aventurer sur le comparaison avec le matériel original, parce qu’il y aura tellement de chose à dire par rapport à Cassandra Cain ou Huntress, et que ce qui en ressortira c’est qu’il y avait tellement, tellement, mais alors tellement mieux à faire avec ces personnages (d’où une grande frustration sur ce point). Pourtant, les faits sont là : Harley Quinn, un peu à l’image de Suicide Squad, vampirise tout le film rendant impossible aux autres personnages d’être vraiment introduits ou exploités. Rendant le titre obsolète.


Certes, il y a l’idée de créer ce gang de film, mais celui-ci n’intervient qu’assez tard et est issu d’un concours de circonstance, qui le rend plus ou moins naturel, mais la connexion entre les protagonistes ne fonctionne pas. Parce qu’elles sont écrasées par Harley. Certes, comme je l’ai dit, j’ai beaucoup aimé ce qui a été fait sur Harley et si on prend le film comme un film sur Harley Quinn, il fonctionne très bien, mais les autres personnages en deviennent presque superflus, Huntress plus que toute autre car on en vient à se demander ce qu’elle fait dans l’histoire. Chaque personnage est un peu une personnification sur la façon dont une femme peut s’émanciper, mais on se demande parfois de leur pertinence dans l’intrigue.


Dinah et Renée seront sans doute celles qui s’inscriront le mieux dans l’intrigue car elles ont leur propre arcs narratifs, même si celui de la seconde reste très limitée et que celui de la première semble parfois étouffé par celui de Harley. J’ai beaucoup aimé ce qui a été fait toutefois avec Dinah : différence de ce à quoi je m’attendais, une revisite légère du personnage mais qui s’inscrit bien avec l’idée du personnage et l’univers dans lequel elle évolue, du coup ça fonctionne très bien et on aurait aimé en avoir plus. De plus, la révélation finale a vraiment cette sensation de pay-off, même si les connaisseurs s’y attendaient. C’était satisfaisant. Pour Renée, ça fonctionne mais ça paye moins, c’est plus linéaire (tout en étant haché), il y moins cette satisfaction à la fin.


Pour Cassandra Cain, je dois admettre que je reste sur ma faim. Encore une fois, en dehors du massacre fait à l’égard du matériel original, le personnage reste beaucoup en retrait alors qu’elle est le McGuffin de l’intrigue. Et en dehors pour être la cible de blague sur le système digestif, elle n’a que peu d’intérêt une fois avec Harley, alors qu’elle sert également de tremplin à celle-ci pour passer à l’étape supérieure. Mais voilà, on ne rentre pas vraiment dans le personnage, on n’a pas vraiment le temps de s’y attacher autrement que par le biais de Harley et non par nous-même. Quant à Huntress… clairement, on se demande ce qu’elle fait dans l’histoire. Certes, elle sera peut-être la plus proche du matériel original vis-à-vis de son origine, mais le personnage elle-même n’apporte rien à l’histoire, elle n’a aucun rôle réel. Tout ce qui en ressort, c’est une gamine capricieuse qui n’en fait qu’à sa tête. D’ailleurs, elle l’admet elle-même qu’elle n’a rien à faire là.
Je ne suis pas totalement satisfait de Black Mask et Zsasz, dans le sens où je suis d’abord déçu qu’ils soient écartés aussi vite dans l’univers (alors qu’il y avait clairement de quoi en faire des antagonistes récurrents), d’autant plus ensuite que ce qui est proposé dans le film fonctionne franchement bien : le côté pègre de Roman, le côté dérangeant de Victor, la dynamique entre les deux. Il y a cette forme de charisme qui nous écrase et fonctionne sur le film


(la scène où Harley est capturée, celle où Sionis terrifie la cliente),


et donc oui, c’est dommage qu’on n’en verra pas plus.


Le casting est dans l’ensemble correct. Les Birds of Prey rentrent plutôt bien dans leurs rôles respectifs et ce qui en est fait à l’écran. Très surpris de Jurnee Smollett-Bell qui est franchement convaincante pour les différentes facettes de Dinah et cette forme de compassion qu’elle a en elle. Très satisfait d’Ewan McGregor, j’ai beaucoup aimé ce qu’il a apporté à Roman Sionis, sa voix, son langage corporel, cette prestance qu’il a à l’écran. Mais on ne va pas se mentir, celle qui est la plus éblouissante du film est sans doute celle qui s’y est le plus impliquée (dès le départ) et qui se régale dans son rôle : Margot Robbie. On y avait déjà eu droit dans Suicide Squad, mais une nouvelle fois, elle est excellente dans ce qu’elle présent de Harley, même si elle propose autre chose.


Techniquement, le film est correct sans plus. La bande son est sympa, quelques musiques ici et là s’inscrivent plutôt bien dans le film (avec parfois des renvoies avec celles présentes dans Suicide Squad, c’est bien vu), mais la musique même sera oubliable, voire absente. Effets spéciaux et décors sont corrects sans rien d’extraordinaire (en dehors d’Amusement Miles, que j’ai beaucoup aimé), on sent la volonté de rester dans quelque chose de très ancré dans le réel, le factuel.


Les scènes d’action sont bien chorégraphiées et dynamique (même si parfois répétitives), mais elles s’inscrivent bien dans l’ADN des personnages. Pour la mise en scène restera très classique, même s’il y aura quelques scènes


(le commissariat, l’interrogatoire de Harley, la confrontation finale)


ou mouvements de caméra


(l’arrivée de Sionis à Amusement Miles)


qui donneront quelque chose qui sort un peu du lot. Si le montage lui-même est parfois un peu chaotique dans la narration, ça s’inscrit plutôt bien dans l’idée d’un journal de Harley (je pense à toutes les coupures/flashback), d’autres scènes seront charcutées


(comment la course-poursuite à la fin ne finit pas en plan-séquence ?).


Bref, à l’image de ce que je pressentais et de ce qui ressortais des premiers avis, le film est en effet très fun (si on le prend comme un film Harley Quinn), mais il sera en dissonance avec son titre et ce qu’il souhaite mettre en place. Il commet notamment la même erreur que Suicide Squad, même s’il s’en sort peut-être mieux. Il y avait mieux à faire à mon sens, mais d’un autre côté, ça aurait pu être tellement pire au vue des bandes-annonces. Pas déçu donc, mais quand même bien frustré.

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le 11 févr. 2020

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vive_le_ciné

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