On ne doit faire confiance à personne par les temps qui courent.

Faire un film sur la Seconde Guerre Mondiale c'est difficile, surtout si on se concentre sur la communauté juive. On peut tomber dans le larmoyant facile, et il n'y a guère que Spielberg qui arrive à faire un film correct avec du sentimentalisme. Mais Paul Verhoeven prend à contre-pied tout ce qui se fait habituellement et fait de Black Book une œuvre forte aux enjeux complexes.


Rachel est une jeune femme juive qui a vu sa famille se faire massacrer par les nazis. Suite à cet événement tragique, elle s'engage dans la Résistance et infiltre la Gestapo. Déterminée, elle n'hésite pas à devenir la maîtresse d'un SS pour arriver à ses fins. Ce dangereux jeu de séduction est convainquant, et la présence de Carice van Houten ne fait que peaufiner l'ensemble. Le jeu des couleurs de son visage (son teint pâle, ses yeux bleus, ses cheveux blonds et ses lèvres pourpres) souligne son charme et son talent d'actrice. Rien d'étonnant à ce que l'officier allemand soit sous le charme aussi rapidement.


La violence psychologique subie quotidiennement par la résistante n'est pas occultée, tout est montré sans pudeur, le spectateur est forcé de vivre avec elle tous les moments durs (lorsqu'elle entend les cris des torturés sans pouvoir agir, par exemple). Pourtant, et c'est là la plus grande force du film, l'ensemble n'est jamais manichéen. Les résistants ne sont pas traités comme des héros, certains étaient même antisémites. Les nazis ne sont pas une menace sans visage, il y a des hommes derrière. Et tout le monde n'est pas redevenu gentil à la Libération, loin de là. Cette vision montre bien que tout le monde s'est pris la guerre de plein fouet et que chacun a du se débrouiller comme il a pu.


L'intrigue en elle même est bien menée et arrive à maintenir un niveau constant d'intérêt pendant les 2h30 et les multiples changements de situation. Concernant l'aspect sonore, je reprends les mots d'un certain oh-captain-my-captain, qui parlait d'une "musique romanesque omniprésente (mais presque imperceptible)", ce que je trouve tout à fait juste.


La réalisation épurée de Black Book n'empêche pas l'expression de son message percutant. La dernière œuvre de Verhoeven se hisse sans peine parmi les meilleurs films sur la Seconde Guerre Mondiale tout en proposant le point de vue d'un pays relativement peu vu.

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le 31 oct. 2015

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