Ce qui s'annonçait comme le passage de Paul Verhoeven à la forme classique et puissante du film historique, annonce d'autant plus intéressante par son sujet, l'analyse de la résistance hollandaise durant la seconde guerre mondiale, prend finalement la forme d'un téléfilm high class.


C'est solide, bien fait, d'un classicisme total. Mais il n'y a dans ce Black Book aucune trace de génie.
Si l'intrigue intéresse, que les moyens sont là, que les comédiens aussi (le couple d'une beauté folle formé par Carice van Houten et Sebastian Koch), chacun avec de vraies gueules de cinéma parfois poussée ; le gros nazi libidineux, véritable méchant du film), que la reconstitution est léchée et l'écriture suffisamment habile et pleine de rebondissements pour bâtir près de deux heures et demie de récit, rien ne sort de ce film qui ne convainc pas, n'émeut pas, et ne crée chez le spectateur qu'un intérêt plat, souvent confondu avec un silencieux ennui. Il faut même souligner que le film se "spoile" dans son ouverture qui fait connaître sa fin et le destin de son héroïne, élément qui aurait au moins pu maintenir un peu plus éveillé la curiosité.


Et ce n'est pas le vilain penchant d'un Verhoeven qui, se sachant adulé lorsqu'il est provocateur, glisse çà et là quelques effusions gores et une sexualité toujours vulgaire pour laisser son empreinte, qui feront de Black Book un film original, donnant parfois lieu à des scènes assez ridicules (la tentative d'empoisonnement à l'insuline par un vilain glorifié par le peuple, par exemple)


On retirera en fin de compte du film une vision désespérée du monde, tout sauf manichéenne, qui fait de chaque personnage un bon et un vilain potentiel (chef de la gestapo transi d'amour pour une juive, résistants eux-mêmes antisémites, des personnages au double-visage constant, vainqueurs et résistants lâches et assoiffés de vengeance, ...), aux intentions toujours troubles, et une lecture de l'histoire comme une succession de guerres sans fin.
(alors qu'on se pense tiré d'affaire une fois la guerre gagné, on sera finalement pourchassé par les résistants eux-mêmes, la Libération se montrant peut-être plus dangereuse que la guerre elle-même, tandis que c'est encore une fois lorsque l'on se pense sorti d'affaire, exilé en Israël, qu'une guerre éclate - avec un dernier plan brillant par sa triste ironie - ne faisant que continuer le cercle vicieux de la violence).

Charles Dubois

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