Il faut un certain temps pour se rendre compte que Black Coal, comme son titre nous l’indiquait pourtant, est avant tout une nouvelle déclinaison sur le film noir. Femme victime pouvant s’avérer fatale, flic déchu et alcoolique mélangeant solitude, passion et enquête pour tenter de maintenir un semblant de sens à son existence, et tableau désenchanté d’une société crasseuse et sans espoir.
Diao Yinan, puisqu’il est dans la référence, prend le parti d’une esthétique assez hétérogène. Si le code du film noir semble respecté, instaurant une enquête somme toute assez classique (et à rallonge un peu superfétatoire sur la fin) et une atmosphère au suspense plutôt efficace, c’est surtout dans les à-côtés qu’il surprend. L’intrusion du grotesque par les ratés du protagoniste, les changements d’atmosphère et de plastique en fonction des univers jalonnent un film comme un parcours étonnant où l’on peut plus prévoir la direction prise. La scène de fusillade dans le salon de coiffure, abrupte et acidulée comme un bonbon au poivre, en est l’archétype : séduisante, violente et poétique.
L’hétérogénéité ne fonctionne pas pour autant sur toute la longueur du film qui de fait parait assez interminable, ne cessant de doubler d’une séquence conclusive une autre qui la prolonge.
Ce qui pèche dans le récit semble donc équilibré par la mise en scène, souvent impeccable, et assez fascinante. Là aussi, pas de ligne de conduite. L’un des premiers plans où la caméra tourne sur elle-même, prenant le point de vue du charbon déversé d’une benne de camion, laissait présager des effets gratuits. Il n’en est rien. Les séquences de patinage sur un Beau Danuble Bleu à la sauce synthé, les plans urbains sont d’une grande maîtrise.
Et surtout, le film vaut par une séquence époustouflante, plan séquence sous un tunnel qui, dans une double révolution à 360°, permet une ellipse de 5 ans. Virtuose, mystérieuse, cette scène révèle les trésors cachés d’un film qui, sous les coutures d’un récit un peu brouillon, recèle une forme souvent fascinante.
Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Plastique et formaliste, Social, Film Noir, Violence et Thriller

Créée

le 15 juil. 2014

Critique lue 2.6K fois

52 j'aime

5 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2.6K fois

52
5

D'autres avis sur Black Coal

Black Coal
Krokodebil
9

Les patins de l'angoisse

Ce film a trois titres. Comme souvent, le titre français est le moins intéressant et se réduit à une allusion à la première partie du film : le charbon noir qui emporte aux quatre coins de la...

le 25 juin 2014

46 j'aime

7

Black Coal
Electron
8

Pic et pic et coal et drames

Autant prévenir, si mon titre peut amuser Black coal n’est vraiment pas une comédie (malgré quelques situations qui prêtent à sourire), mais un film noir (comme le charbon). C’est pourtant une sorte...

le 11 oct. 2014

29 j'aime

7

Black Coal
pierreAfeu
5

Survendu ?

Noir de chez noir, relecture à la chinoise du polar classique avec reprise des codes, alcool, amour impossible, énigme emberlificotée, Black coal s'offre à nous précédé d'une réputation et d'un Ours...

le 13 juin 2014

28 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53