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Black Butor: L'épisode dont vous êtes le héros (et la critique qui va avec ! )

Cela fait, quoi ... Quelques mois, quelque chose comme ça, que vous avez commencé à aller sur Netflix. Vos amis n'arrêtaient pas ! Dans le sud en vacances, chez les grands-parents de l'une, en Auvergne au mariage de l'autre, en soirée lorsqu'on parlait télé, ciné, série. Il fallait voir Black Mirror ! Ils ne tarissaient pas d'éloges pour la série qui brise l'écran dès son générique !
Alors, à force, vous êtes allés voir. Eh, ça tombait bien, votre frère s'était lancé sur Netflix et vous prêtait un compte. Nice, comme disent les vieux qui veulent jouer les jeunes. Alors, vous les avez vus, les horreurs du monde post-nouvelle révolution industrielle, quand la technologie qui s'apprête à bâtir la Matrice n'est qu'un outil pervers que les individus utilisent les uns contre les autres ou, sans le vouloir et sans le savoir, contre eux-mêmes. Oui, vous avez vu ces métrages dérangeants et passionnants à la fois, ces premiers ministres forniquant avec des porcs, ces êtres bloqués et floutés dans le monde réel, ces applications calculant le pourcentages de réussite d'un couple, ces maris revenus d'outre-tombe par l'entremise de robots, ces êtres évalués à la façon Uber/ Trivago, ces musées des horreurs, ces parenthèses "Plus belle la vie" à la Jodie Foster, ces défouloirs trekiens à la Frankenstein...
Mais il y en a un que vous n'aviez pas vu. Nous sommes la nuit du Nouvel an, vous avez bien fêté, beaucoup bu, vous êtes en forme. Tous les autres sont allés se coucher, il est déjà six heures du matin. Votre hôte, Bernard, et vous, par contre, vous êtes en forme. Bernard vous dit: "Sinon, si ça te dit, on peut aussi voir le dernier Black Mirror. Tu l'as vu le dernier Black Mirror ?"
Vous ne l'avez pas vu, vous répondez non. "Non, je ne l'ai pas vu. Il est bien ?"
- Il est ... particulier, répond Bernard, mais il est super cool ! (Comme disent les vieux qui veulent jouer les jeunes) Il s'appelle Bandersnatch !
Dans votre tête, milles combinaisons s'enchaînent. Bandersnatch, Bandersnatch ... Là, comme ça, on dirait une créature d'Alice au Pays des Merveilles ... Mais si on découpe le mot, cela semble une version X de Snatch de Guy Ritchie, avec et sans lévrier ... Vous répondez :


OUI



  • Ah, bah, viens, on fait nos ados attardés ! On se vautre devant la télé !
    Et Bernard de lancer l'épisode. En français puis en anglais sous-titré. La Version française fait les choix pour vous. Ah ! D'accord ! Je vois le principe !


NON


"Je conviendrai de tout ce qui vous plaira mais à condition que vous ne me tracasserez point sur le dernier gîte de Jacques et de son maître, soit qu'ils aient atteint une grande ville et qu'ils aient couché chez les filles; qu'ils aient passé la nuit chez un vieil ami qui les fêta de son mieux; qu'ils se soient réfugié chez des moines mendiants, où ils furent mal logés et mal repus pour l'amour de Dieu; qu'ils aient été mal accueillis dans la maison d'un grand, où ils manquèrent de tout ce qui est nécessaire, au milieu de tout ce qui est superflu; qu'ils soient sortis le matin d'une grande auberge, où on leur fit payer très chèrement un mauvais souper servi dans des plats d'argent, et une nuit passée entre des rideaux de Damas et des draps humides et repliés; qu'ils aient reçu l'hospitalité chez un curé de village à portion congrue, qui courut mettre à contribution les basses-cours de ses paroissiens pour avoir une omelette et une fricassée de poulet; ou qu'ils se soient enivrés d'excellents vins, fait grande chère et pris une indigestion bien conditionnée dans une abbaye de Bernardins (...).Entre les différents gîtes possibles ou non possibles dont je vous ai fait l'énumération qui précède, choisissez celui qui convient le mieux à la circonstance présente. (...) Ils sont entrés dans la ville, car c'est dans une ville que Jacques et son maître avaient séjourné la veille, je me le rappelle à l'instant".
Sérieusement, allez relire Jacques le Fataliste, parce que Bernard, il est comme Diderot: s'il vous donne le choix, c'est que vous ne l'avez pas !


Vous avez donc répondu OUI. Reportez-vous à la section OUI.


Vous aviez lu beaucoup de Livres dont vous êtes le héros, étant jeune ! Les Epouvante !, où vous campiez Dracula, Harker, Frankenstein et son monstre (que l'auteur avait aussi appelé Frankenstein, alors que le monstre n'a tout simplement pas de nom), les Défis fantastiques, où l'on vous surnommait L'Arpenteur de Lune (depuis vous avez lu Kafka et vous connaissez le monde de l'édition et le mot "Arpenteur" n'a plus du tout le même sens ...), et surtout les aventures du Loup Solitaire, vos favoris ! Que de souvenirs en quelques secondes, tandis que l'écran vous enjoint de choisir entre deux paquets de céréales et deux cassettes.
- C'est une super bonne idée !, vous exclamez-vous.
Bernard, en joie, ajoute que c'est la première fois qu'un épisode de série propose un épisode interactif, fier de la série qui, en plus de casser l'écran, casse à présent le quatrième mur. Vous ajoutez, fort pédant et surtout fort whovian , qu'il fait erreur et que la série Docteur Who a déjà offert au public un épisode interactif en 2005. Vous n'êtes pas de mauvaise foi ! Seulement, vous voyagez souvent d'un espace-temps à un autre, voilà tout.
Bernard ne répond pas.
- Bernard, tu dors ?


Bernard dort


Un ronflement sonore est la seule réponse que vous obtenez. Sur le fauteuil à côté de vous, Bernard dort profondément.


Bernard ne dort pas



  • Hum ? Hein ? Non, non ....
    Bernard n'a jamais su mentir. Même en dormant. Ou bien ...


Vous continuez à visionner Bandersnatch.
L'épisode est plutôt bon, dans son interactivité comme dans la folie de ses choix narratifs. Vous vous battez avec votre psy, vous jouez à saute-balcon avec vos collègues, vous choisissez des disques, vous explorez votre subconscient, vous vous faîtes agresser par l'auteur ou l'un de ses personnages, vous découvrez que votre vie entière n'est qu'un tissu de mensonges, vous craquez des codes, vous vous éclatez dans ce dédale filmique !
Discrètement, parce que cela fait vingt fois que vous faîtes comprendre au héros que vous êtes sur Netflix et que vous le contrôlez, vous faîtes un petit tour sur Sens Critique. Vous tombez sur la critique de Sergent Pepper:


Vous le lisez intégralement:


https://www.senscritique.com/film/Black_Mirror_Bandersnatch/critique/185308170


Vous le lisez entre les lignes:


"Le problème, c’est l’architecture générale, elle aussi explicitée par la référence à Pac Man. On peut mener l’histoire dans des impasses qui nous proposent des récits alternatifs par des retours en arrière vers d’autres choix. Étrange sentiment que cet inachèvement, réservé normalement au jeu vidéo et ici directement branché sur la fiction. Le recours au réveil brutal d’un rêve est sacrément agaçant, et redondant si l’on décide d’explorer plusieurs branches (...) une avancée vers une impasse, un retour laborieux en arrière avec rappel en forme de bande-annonce, et une bifurcation vers une nouvelle proposition qui, invariablement, se dirige vers un échec. Mais de qui ? du spectateur par ses choix, du personnage par sa docilité inconsciente ou du scénariste par les limites de son expérience ?
Cette expérience paradoxale de la liberté fait tout l’intérêt et la limite du procédé : l’expérience du deuil évoquée plus haut aurait à mon sens été plus intéressante : proposer de réelles trajectoires uniques, qui imposent au spectateur de tout recommencer s’il voulait savoir.
"


Vous êtes plutôt d'accord avec lui, même si ne pouvez vous empêcher de penser que le métrage épouse le ludique des Livres dont vous êtes le héros, que ces oeuvres elles-mêmes accusaient ces limites et que le film en soi explique bien les conséquences néfastes d'enfermement dans la fiction qui guetteraient l'écrivain et son lecteur s'ils cherchaient plus d'immersion, plus d'exploration des possibles. Vous rapprocheriez plus Bandersnatch de La Modification de Butor et vous convenez sans mal que le spectateur devrait ne pouvoir suivre qu'un cheminement par visionnage. Mais vous avez conscience que, comme Sergent Pepper, vous êtes un vieux con, comme disent les jeunes qui veulent jouer les jeunes, et que les autres spectateurs préfèrent l'utilité d'un visionnage unique avec allers et retours à la perfection narrative et esthétique de multiples visionnages. Vous rejoignez la page centralisant les critiques de l'épisode. Quelle critique désirez-vous lire ?


La critique de Théloma:


https://www.senscritique.com/film/Black_Mirror_Bandersnatch/critique/185544512


La critique de Frenhofer:


T'es en train de la lire, eh, banane !


La critique de Behind_the_Mask:


Cette voie n'est pas encore programmée.


Vous ne voulez plus en lire


Je vous propose alors la saison 1 des Shadoks racontée avec brio par Claude Piéplu:
https://www.youtube.com/watch?v=tpD0Pdr7oD0


C'est le moment que choisit Bernard pour se lever, se diriger vers la fenêtre en s'écriant: "JE VAIS TUER LE GAME !!!"
Il saute. Vous n'en avez cure car vous n'avez jamais rien compris au langage qu'on utilise, jeune ou vieux, pour jouer les jeunes. Comme disait Daniel Prévost, comment voulez-vous que je sois ringard, je n'ai jamais été à la mode. Bernard s'en revient, le crâne ensanglanté et déclare: "Ah, ça m'a donné faim ! J'vais peut-être me prendre une tarte flambée, tiens ! Et toi, tu n'as pas fini l'épisode ?"
Vous comprenez qu'il est grand temps d'achever l'épisode car vous avez l'impression de virer complètement dingue. Mais quelle fin voyez-vous ?


Black Mirror, ça finit toujours mal !


En effet, dans un grand nombre de variantes, vous tuez votre père. Après, en fonction, vous l'enterrez, vous le dépecez ... bref, vous avez envie de vous suicider.
Il existe d'ailleurs une variante à cet emploi.


Et si, cette fois, ça finissait bien ?


Alors, n'allez pas jusqu'au bout.
Contentez-vous d'aller au générique de fin lorsque votre père vous prend dans ses bras ou en cessant de créer le jeu.
Le bonheur, parfois, c'est lâcher prise.


Une fin à la Frenhofer par ce que, comme lui, je suis romantique ou complètement barré !


Les deux fins qui ont ma préférence (et l'une d'entre elles a été la première fin sur laquelle je suis tombé) sont les suivantes:
Triste mais heureuse en un sens et par moins glauque que la plupart des autres: On replace la peluche sous le lit pour pouvoir partir avec maman et mourir avec elle dans l'accident de train.
Barré, cassage de 4e mur totalement assumé, mais c'est ça qui est cool: Stefan se retrouve face à sa psy qui veut lutter avec lui et cherche vainement à s'échapper par la fenêtre ... qui n'ouvre pas ! Et cut ! On est en réalité sur le plateau de tournage et on apprend que Stefan est un acteur qui a fini par croire qu'il était son personnage.


Vous ne voulez pas connaître la fin


Ici vous pouvez spoiler :D ;) !!!!


ça y est l'épisode est fini.
Vous regardez l'écran, le générique s'achève et soudain ...


A.


Des lettres s'affichent !!!
Elles disent:
JE SUIS SUR NETFLIX ET JE TE CONTRÔLE !


B.


Vous vous retrouvez devant Twitter: # J't'ai eu(e) !


C..


Des lettres s'affichent !!!
Elles disent: ERREUR 404 NOT FOUND


D.


https://www.youtube.com/watch?v=fUyIgjeXOig


E.


Des lettres s'affichent !!!
Elles disent: " Lisez 3 fois cette critique et appréciez-la ou vous resterez enfermé(e) dans Bandersnatch pour l'éternité ! Niark, Niark, Niark


F.


Votre écran se fige sur cette page: https://www.senscritique.com/Frenhofer/critiques
Vous ne pouvez vous en défaire sans les avoir toutes lues !


G.


Des lettres s'affichent !!!
Elles disent:" Vous venez d'atteindre le point ainsi nommé ! :D


H.


https://www.ina.fr/video/CPC83050801


I.


https://www.senscritique.com/liste/La_liste_poupoupidou/1867362


J.


https://www.senscritique.com/liste/Les_arcanes_du_blockbuster/369869


K.


https://fr.wikisource.org/wiki/Jacques_le_Fataliste_et_son_maître


L.


https://www.senscritique.com/film/Black_Mirror_Bandersnatch/critique/186379893


M.


Rien ne s'affiche: vous pouvez aller vous coucher.
Bonne nuit !

Frenhofer
9
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le 13 janv. 2019

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