Coming out of Africa
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Voilà donc le Marvel Nouveau, annoncé avec tambours et trompettes, salué avant même sa sortie comme un grand changement pour l'univers cinématographique de Kevin Feige, comme le film qui allait enfin remettre sur le devant de la scène superhéroïque les noirs (plus précisément les noirs Africains), les femmes, et briser un peu le modèle établi depuis Iron Man en 2008.
Et, à l'heure où le succès en salle de Black Panther atteint des sommets, voici peut-être aussi le moment de porter un regard critique sur ce chamboulement qu'on nous a (sur)vendu: le modèle Marvel Studios a-t-il véritablement changé de paradigme? La panthère noire est-elle la figure de proue d'une nouvelle vague de représentation des minorités au cinéma, sorte d'incarnation vivante -et griffue- de Black Lives Matter?
...
Eh bien il faudrait être extrêmement optimiste pour répondre "Oui" à toutes ces questions. Mais alors, qu'est-ce qui ne va pas avec ce dernier volet du MCU? Pour commencer, jetons un œil à l'histoire du film. Un jeune prince vaguement héroïque s'en retourne en son pays à l'architecture technologico-cheloue, caché du reste de l'humanité depuis des temps immémoriaux (et vaguement mythologiques), pour recevoir moult honneurs et prendre la relève de son papounet sur le trône. Or voilà-t-y pas qu'un méchant demi-frère apparaît soudain et vient pourrir la confiance que le peuple et les autres accordaient au jeune prince bogosse. Celui-ci devra passer par une perte provisoire de ses pouvoirs mais sera finalement aidé par ses fidèles compagnons à les récupérer, casser la margoulette du méchant et rétablir son pouvoir et son prestige au sein du royaume, qui se dévoile aux yeux du monde par le même biais.
Ça vous rappelle quelque chose? Un indice: c'est un autre film de Marvel Studios, sorti en 2011, intitulé Thor. Même histoire basique d'origine (ou presque), mêmes accents pseudo-shakespeariens, même esthétique travaillée jusqu'au kitsch, mêmes couleurs chamarrées, mêmes fonds verts gênants, mêmes incohérences dans le combat ("on a la tech pour faire des super flingues, mais si on équipait tous nos guerriers de machettes et de lances?")... La liste continue longtemps. Alors certes, il y a quelques différences notables, notamment concernant la place de la femme: là où Natalie Portman était une potiche (c'était son rôle, elle n'avait pas vraiment le choix), les femmes de Black Panther sont non seulement puissantes, mais ce sont elles qui font véritablement avancer l'intrigue et proposent des solutions aux problèmes sur lesquels les hommes se cassent les dents -ou plutôt les griffes-.
Cependant, malgré ses avancées évidentes (mise en avant d'une minorité et inversion des rôles racisés habituels, où le blanc est ici ou un ennemi ou un boulet; place prépondérante de la femme; recherche poussée dans l'esthétique avec références muséographiques...) l'ensemble sent beaucoup trop le réchauffé pour prétendre véritablement au titre de révolution.
Et surtout, si Black Panther a l'audace de présenter un casting non-blanc et une histoire volontairement centrée sur l'Afrique, tout dans le film, du scénario à la réalisation, en passant par le choix des musiques et des blagues parfois douteuses, reste bien trop américain -et donc, trop timoré-. Le meilleur exemple de cette timidité est sans nul doute le choix des langues dans lesquelles les héros s'expriment: est-ce crédible que les ressortissants d'un pays qui n'a jamais été colonisé s'expriment entre eux en Anglais? Pire encore, la "caution locale", à savoir les quelques phrases prononcées dans une langue africaine par les personnages, rend la chose encore plus absurde: on pense aux dialogues commencés en langue vernaculaire, continués en Anglais, sans que le changement de langue n'ait aucune logique si ce n'est celle de ménager les oreilles du public peu habitué à voir ses héros s'exprimer autrement qu'en Anglais américain.
La "révolution" Black Panther annoncée par Marvel semble donc, in fine, n'être qu'un coup de pub de plus. Cela dit, ne crachons pas dans la soupe non plus: le film reste honnête, et présente des avancées certaines pour le genre superhéroïque au cinéma. Maintenant, on peut se borner à espérer que la prochaine tentative d'innovation du MCU (Captain Marvel, premier film de l'écurie à présenter une super-héroïne en rôle-titre, est prévu pour 2019) ose pousser plus avant son questionnement du modèle.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Parfois, je vais au cinéma. Souvent, même.
Créée
le 3 mars 2018
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