Nina Sayers (Natalie Portman) ne rêve que d'une chose, être choisie pour incarner la Reine dans la nouvelle version du Lac des Cygnes orchestrée de main de maître par Thomas Leeroy (Vincent Cassel).
Dans son nouveau long métrage, Darren Aranofsky nous ouvre les portes de ce monde étroit et difficile du ballet. Thème récurant pour ce réalisateur, la perfection est au centre de son oeuvre. C'est d'ailleurs ce que recherche Nina. Elle a beau nous montrer qu'elle sait danser et qu'elle le fait bien, il semble impossible à cette jeune femme un peu naïve de se laisser aller. Et c'est bien ce défaut de fougue qui va lui porter préjudice pour atteindre son but. Face à elle, Lily (Mila Kunis) fraichement arrivée de San Francisco se révèle être une adversaire de taille.
Côté cygne blanc, on retrouve une Natalie Portman sage, réfléchie mais bridée voir emprisonnée par sa mère, quinquagénaire frustrée par une carrière avortée. Barbara Hershey campe ici le rôle d'une mère surprotectrice qui étouffe peu à peu sa progéniture, l'aidant à s'enfermer dans un monde d'enfant peint en rose et rempli de grosses peluches. Son envie de revivre sa carrière par l'intermédiaire de sa fille en devient presque malsain.
Les personnages de Requiem for a dream abusaient des drogues pour s'évader et fuir la réalité quand Nina se plonge dans le travail et sa quête de perfection. Il faut dire que Thomas Leeroy, le metteur en scène, la pousse dans ce sens, lui imposant une énorme pression, lui rappelant à chaque instant qu'il lui manque cette petite chose dont Lily dispose.
Côté cygne noir, Mila Kunis se pose dès son apparition en double maléfique. Sa peau hâlée, son tatouage, son caractère en totale opposition avec celui de notre héroïne, son côté sexy et séducteur visible aux premiers abords, tous ces éléments posent la rivalité. L'opposition est tellement frappante qu'elle ne nous laisse aucun doute sur la suite des évènements et le combat qui va se jouer entre elles. S'en est presque trop facile.
Mais Lily n'est pas la seule personne avec qui Nina va devoir se battre. Une grande partie du film est basée sur le conflit qui va se jouer au sein même de son esprit, la faisant toucher le fond pour mieux prendre son envol.
On regrettera alors la sempiternelle utilisation des miroirs pour faire remarquer la folie dévastatrice qui prend le contrôle sur l'héroïne. Un tel cliché aurait pu être évité, surtout qu'Aranofsky a su installer une ambiance lourde et pesante qui arrive parfaitement bien à nous faire comprendre la déviance quasi-schizophrène de Nina. Un petit manque de finesse qui ne lui coûtera pas grand chose mais qui ne fera que pointer grossièrement un état d'esprit dont le spectateur a déjà parfaitement conscience.
Cela dit, Natalie Portman incarne ici à merveille le rôle qui lui est destiné. Son jeu d'une extrême justesse nous ferait presque oublier le caractère pleurnichard de Nina. La fragilité se lit sur le visage de l'actrice, dans ses gestes, s'entend dans sa voix. Elle a su donner vie à un personnage complexe qui passe d'un état de quasi-frigidité à l'épanouissement le plus total. Elle maîtrise parfaitement la descente aux enfers que son personnage subit, nous fait croire à la paranoïa, à la schizophrénie. Elle tient ici Le rôle de sa carrière grâce à une prestation époustouflante.
Quant à Vincent Cassel que je n'ai jamais réellement apprécié, le rôle d'un chorégraphe manipulateur, hautain et à la limite du vulgaire lui va, je trouve, comme un gant.
Côté réalisation, ce film est un véritable chef d'oeuvre visuel et sonore. Les scènes de danse sont très justement dosées et bien filmées. La caméra d'Aranofsky à su capturer avec brio la tension, les introspections, les mystères liés au corps et la transformation des personnages plongeant le spectateur dans un état second. La musique de Tchaïkovsky ne fait qu'accentuer la magie de la danse.
La représentation finale du ballet est un réel plaisir pour les yeux. La transformation physique du personnage principal qui s'opère dès le début du film arrive ici à son apogée lorsque Nina accepte finalement son Némésis qui va lui permettre (enfin !) d'atteindre ce qu'elle à toujours voulu : la perfection.
Aranofsky signe ici, sans aucun doute, l'un des plus beau film de ce début d'année, si ce n'est de 2011.
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