Le cinéma de Darren Aronofsky, j'aime pas.
Il y a toujours un truc qui m'attire dans ses films, mais au final soit ça m'ennuie, soit ça m'énerve. Avec The Wrestler, ça c'était un peu calmé, car même si l'histoire de ce type m'avait laissé plus ou moins indifférent, il y avait Rourke, magnifique, et un travail de réalisation qui me parlait nettement plus. Et je pense que Black Swan est la suite logique de ce qu'il a débuté sur ce film précédent.
Un portrait.
Celui de Nina Sayers, qui désire à tout prix interpréter la "Swan Queen" dans le ballet du Lac des Cygnes. Quitte à y laisser son âme. En somme, un récit tout à fait similaire aux précédents films du réalisateur. Le récit d'un personnage qui perd progressivement pied avec la réalité dans l'accomplissement d'un objectif impossible.
Mais Black Swan est un beau film.
Pas ultime, pas renversant, pas spécialement dérangeant non plus, mais offrant quelques pures instants de grâce au milieu de cette histoire où le rôle prend le dessus sur l'interprète. Une introduction sidérante de beauté, un dernier acte fiévreux, quelques séquences éparses où Natalie Portman, transfigurée, charnelle (et oscarisable sans le moindre doute possible), dévoile ses fêlures et amorce sa douloureuse métamorphose, seront les instants qui me seront resté en tête après le film. En regard d'un script finalement (presque) conventionnel, le film de Darren Aronofsky s'illustre surtout par un travail esthétique de premier ordre et par son casting homogène (mention à Barbara Hershey, mère-poule / control-freak, qui laisse percevoir toute la frustration emmagasinée au fil des années). Et, évidemment, par la musique de Tchaïkovski (ici réorchestrée par l'éternel collaborateur de Aronofsky, Clint Mansell).
Le sentiment final d'avoir assisté à un film quelque peu creux se poursuite cependant bien après la séance.
Un film trop évident, qui semble manquer de confiance dans son pouvoir de suggestion en nous imposant quelques explications superflues (on comprend très rapidement la direction que le film va prendre) et qui se révèle parfois peu digeste dans ses effets "chocs". En cela, Aronofsky n'a pas cessé de faire du Aronofsky, comme s'il voulait à tout prix faire passer un message, donner un sens à tout ce qu'il fait, au lieu de s'octroyer un peu de liberté. Ce qui, en l'état, est assez contradictoire, puisque entrant en résonance avec cette séquence où Cassel reproche à Portman d'être trop précise, trop technique et de ne pas laisser la fougue du cygne noir s'emparer d'elle. Darren aurait dû, lui aussi, se laisser emparer d'une telle fougue pour nous livrer un film qui s'annonçait étourdissant et qui réussit à l'être, le temps de quelques rares instants.
Black Swan, derrière sa réalisation caméra à l'épaule, le grain de son image et le jeu magnifique de Natalie Portman, est un ballet trop sage qui se cache derrière les apparats d'une danse cauchemardesque. Mais Aronofsky entre désormais dans la cours des grands et devrait permettre à son actrice de faire définitivement oublier sa participation à une célèbre saga intergalactique de triste mémoire tout en lui assurant l'une ou l'autre statuette pour les mois à venir.