Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982, on connait.
Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982, on aime.
Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982, on adule.
Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982, on juge parfait.
Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982, on souhaiterait le laisser vierge de marketing, de spin-offs, de préquelles, voire même (pire diront certains) de suites, qui ne feraient que le dénaturer.


C'est dans cet état d'esprit que la plupart des gens étaient, il y a encore 1 an quand le projet "2049" a été initialisé.
A mes yeux, une bonne suite à Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982 nécessitait 3 éléments pour fonctionner et être à la hauteur de son ainé :
1) Virer Ridley Scott de la réalisation, parce que sérieux, quand on enchaine Prometheus, Exodus et Alien Covenant, c'est qu'on a une case en moins, donc on ne vous confie pas la réalisation d'une telle suite.
Mais il reste en tant que producteur. Cool.
2) Trouver un bon réalisateur pour remplacer. Denis Villeneuve. Cool.
3) Et surtout, surtout, renouveler les thématiques.


Check, check et check.
Plongeons-nous donc dans cette suite. (SPOILERS en perspective)


On va commencer par régler un point déjà soulevé par à peu près toute la planète concernant le film : C'est beau. Les jeux de lumière, les décors, l’atmosphère onirique sont vraiment travaillés. Je ne remettrai pas cela en cause, c'est bien foutu, chaque plan est un délice, les couleurs t'explosent les yeux et le mélange décors en CGI et décors réels fait vraiment plaisir, bref, vous avez compris.


Non, moi, ce qui m'a vraiment marqué dans le film, c'est les questionnements philosophiques.
Le premier Blade Runner en posait pas mal, et ne répondait pas à tous justement pour que le spectateur se fasse sa propre opinion.
Il posait des questions sur ce qui fait l'humain, sur la naissance de l'âme au sein de l'artificiel.
Blade Runner 2049, lui, pose des questions sur ce qui fait notre identité, sur cette brouillerie entre l'humain et la machine, entre le réel et le rêve, entre le vrai et le faux.
Ce film nous dis que ce qui est faux n'en est pas forcement moins vrai. K qui vit une romance platonique avec l'IA holographique Joi, un synthétique aimant un autre synthétique n'est pas pour autant une relation moins forte. D'ailleurs j'aime bien ces passages où l'hologramme chercher à toucher K, à être à son contact, mais qu'à chaque fois, ses mains semblent se stopper à 1 millimètre de son visage, ou encore ce moment où elle se trouve sous la pluie, les gouttes la traversent, et elle adapte son hologramme pour donner l'illusion d'être trempée par la pluie. Ça donne à la relation entre les 2 à la fois un coté un peu glauque et irréel, mais aussi un aspect charmant qui m'a beaucoup plu.


Et cette idée du vrai/faux, elle se retrouve aussi dans le personnage de K. Dès le début du film, on nous le présente comme étant un Replicant Blade Runner, un robot sans âme, mais la suite de l'histoire brouille un peu cet aspect du personnage en sous-entendant, puis en nous disant clairement qu'il est le fils de Deckard et Rachel, et alors que l'on est persuadés d'avoir entièrement cerné le personnage, BAM, retournement, l'enfant de Deckard est une fille, et c'est la "façonneuse de souvenirs". Plus gros coup de poing dans l'estomac, tu trouveras pas !
Du coup, retour à la case départ pour le personnage, même si, et ça c'est très fort, le film ne tranche pas vraiment quand à l'identité ou même la nature de K. Est-il réellement un Replicant alors qu'il a de vrais souvenirs d'enfance ? Est-il un humain puisqu'il a une force physique et une cicatrisation accélérée ? Et si il était tout simplement autre chose ? Un humain mutant si déconnecté du vrai qu'il passerait pour un Replicant ? On ne sait pas, c'est un point que le film ne tranche pas vraiment. Là où Deckard obtenait à la fin du premier film une Licorne comme animal-totem, symbole du fait que sa vraie nature restera un fantasme, et qu'il vaut mieux se contenter de rêver que de se casser les dents à essayer de la découvrir, K obtient un Cheval, un animal plus terre-à-terre, banal. Deckard demande à la fin du film pourquoi K l'a sauvé. Celui-ci ne répond pas vraiment à la question, mais on peut supposer que, même s'il sait pertinemment que lui et Deckard n'ont aucun lien de parenté, il a quand même le droit de rêver et de considérer le vieil homme comme une figure paternelle qu'il n'a jamais connue. Parce que ce qui est vrai, on s'en fout, ce qui est important, c'est de rêver.


Le rêve. Ça aussi, d'ailleurs, c'est un autre aspect de Blade Runner. Cette idée du façonnement de la réalité selon ses fantasmes, trouve selon moi une sorte d'aboutissement dans l'univers des films avec le fameux enfant de Deckard et Rachel. Réellement un hybride humain-Replicant ou un enfant de 2 Replicants, on ne le saura pas. Mais quand à la toute fin, on découvre que cet enfant est en fait la façonneuse de souvenir au système immunitaire défaillant (je vais continuer à l'appeler comme ça vu que le film ne nous donne jamais son nom), quelque chose a explosé en moi. C'était comme si tout le film avait créé une lente fuite de gaz dans mon esprit, et que ce retournement de situation final avait été l'étincelle qui a tout fait sauter !
Les humains ont leur personnalité modelée par les souvenirs qu'ils ont accumulé dans leur esprit, c'est la même chose pour les Replicants, on leur implante des souvenirs lors de leur conception pour leur donner un semblant de passé et une personnalité. Si Wallace, dont le personnage au délire créationniste divino-mégalomaniaque est un peu caricatural, crée les corps des Replicants, la façonneuse est celle qui leur insuffle la vie par les souvenirs et les rêves. La nouvelle génération de Replicants est capable de repousser les limites de l'esprit et de l'imagination, ouvrant de nouveaux horizons de liberté et de créativité pour les synthétiques autant que pour les humains.
Comme dans le premier film, on retrouve dans 2049 cette idée très shintoïste que la mort n'est pas la fin, mais le début de quelque chose de plus grand. Dans Blade Runner, cela s'exprimait par la mort de Roy Batty qui, symboliquement, renaissait en colombe pour gagner sa liberté tant recherchée, et dans ce nouveau film, la mort de K permet à un père et sa fille de se retrouver, et peut-être de déclencher la révolte des Replicants, chose que l'on ne peut qu'imaginer vu la fin abrupte que Villeneuve nous a donnée.


Ce vent de changement se trouve dans un symbole très simple : La pluie règne pendant une bonne partie du film, mais à la fin, la ville se fait recouvrir sous un épais voile de neige. Une ère nouvelle commence.


Un mot sur le casting. Ryan Gosling est absolument génial dans son rôle de K, il est la plupart du temps dans son rôle habituel du personnage monolithique qui ne parle pas mais garde un air grave tout du long, mais il y a des moments où il explose et donne tout, il a vraiment du charisme dans ce rôle. De toute façon c'est simple : Tu mets Ryan Gosling dans n'importe quel film, et PAF, t'obtiens un film à la fois trop classe, trop stylé et trop badass en même temps. Il est fort, ce Ryan.
Harrison Ford est fidèle à lui-même, c'est Rick Deckard, mais en plus vieux et fatigué.
Jared Leto n'a que 2 scènes malgré sa place en tête d'affiche, mais quand il est présent, il crève l'écran. Son rôle est un peu cliché, certes, mais il le joue avec une telle prestance qu'on boit toutes ses paroles même si on en comprend pas la moitié.
Mais pour moi, la vraie révélation du film (enfin, "révélation", pas vraiment, vu qu'elle n'en est pas à son premier film), c'est Ana de Armas. Elle arrive à donner tellement de vie à son personnage d'IA holographique, ça rend son alchimie avec Ryan Gosling vraiment poignante à l'écran. Même si personnellement ça m'a fait un peu chier que sa "mort" soit aussi téléphonée dans le film, parce que dès le moment où K dit "Si je t'embarque dans cet appareil et qu'il est détruit, tu ne seras plus là...", c'était évident qu'elle allait y passer. Et moi je voulais pas.
Grrr...


Et la musique de Hans Zimmer rajoute un cachet certain à l'ambiance du film. Certes, ce ne sont plus les musiques douces et mélancoliques de Vangelis, et Zimmer oblige les musiques sont remplies de "broooooom", mais ça reste très cool à écouter, une atmosphère écrasante qui vient compresser les personnages pour en tirer tout le jus, là où les musiques du premier film distillaient une ambiance plus douce, comme une sorte de linceul de tristesse et de mélancolie qui viendrait recouvrir les personnages pour les faire sombrer dans la dépression.


Bref Blade Runner 2049, qui pourrait en douter, est une bonne suite à Blade Runner premier du nom.
Une suite qui explore de nouvelles thématiques pour son univers.
Une suite qui tente des choses nouvelles et inattendues.
Une suite qu'à présent qu'elle existe, on aurait du mal à imaginer Blade Runner sans elle.
Une suite... qui mérite qu'on la qualifie de suite !



J'ai vu tant de choses que vous humains ne pourriez pas croire.
De gracieux hologrammes féminins, surgissant au détour d'une colonne de béton.
J'ai vu des monuments fabuleux, de divines statues, briller au
soleil rouillé de la morte cité de Las Vegas. Toutes ces déesses se
perdront, dans l'oubli. Comme les pas dans la neige. Il est temps de mourir.
- Arkeniax (qui est définitivement trop con.)


Arkeniax
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le 9 oct. 2017

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