Beauté fatale mais grosse longueur, voici le nouveau Blade Runner

Denis Villeneuve nous propose avec Blade Runner 2049 une vision unique et personnelle du matériau d'origine, bafouant le travail de Ridley Scott tout en préservant un hommage fort et poignant, mais non sans défauts et déceptions ...
La première scène venant tout droit d'une idée rejetée du film de 1982, le réalisateur assume dès lors un parcours sinueux dans l'univers instauré jusqu'ici, sans tomber dans le miroir forcé d'un Star Wars ni même dans le pathos d'un plagiat contraignant.
Villeneuve n'est pas un simple faiseur, il amène avec lui la force de son vécu et le génie de sa vision dans une suite techniquement irréprochable.
Jamais je n'aurais pris un pied aussi intense à contempler le travail visuel et sonore d'un film de 2h30.
Rempli de perfect shots à tout va, la photographie est sublime à tous les niveaux, empruntant autant au coté sombre et néons de l'ancien Blade Runner qu'aux grandes textures lisses et aseptisées que Villeneuve proposait déjà dans Arrival.
L'éclairage sur une multitude de décors réels, l'insertion de maquettes, les dizaines d'environnements variés et pourtant cohérents, tout cela propulse le métrage vers de multiples récompenses techniques.
Niveau composition, Denis Villeneuve avait confié le travail à son inséparable Johan Johansson (Prisoners, Sicaro, Arrival), mais l'ambiance musical ne collant pas à sa vision finale, Hans Zimmer et Benjamin Wallfish ont pris le relais à la hate, sortant alors des sirènes symphoniques de Dunkirk.
Le résultat est maîtrisé sans être mémorable, rendant sans doute trop hommage à Vangelis avec une grosse pincée de patte Zimmer et ces fameux "Horns Sound", ce qu'on ne peut toutefois pas dénigrer.
Les ambiances lourdes remplies de synthétiseurs aiguës et saturés collent à merveille avec la ville sombre et inquiétante, et les parties ambiantes s’intègrent facilement aux plans lents et contemplatifs.
Vous l'aurez compris, Blade Runner 2049 n'a rien a envié de son aîné, lui succédant d'une main de maître quant au coté technique.
Malheureusement, il va être temps de parler de la faille principale de l'oeuvre, le scénario.
Michael Green avait déjà opéré sur 2 deceptions personnelles récentes, Logan et Alien Covenant.
Et je constate donc que la faiblesse scénaristique qui m'a attristé dans ces deux films se ressent dans cette nouvelle mouture de Blade Runner.
Car le script n'est pas assez dense pour la durée proposée et surtout le propos n'est plus aussi visionnaire qu'à l'époque, faute aux nombreuses oeuvres d'anticipation qui ont vu le jour depuis (Elles-même largement inspiré du premier Blade Runner ou de l'écrivain Philip K.Dick ...).
En effet, l'histoire nous propulse 30 ans après le premier film, alors que de nouveaux Blade Runner sont toujours en chasse des anciens Replicants, symbole de rebellion et d'obsolescence.
Nous suivons le parcours du Blade Runner K, incarné par Ryan Gosling, toute suite introduit comme un robot, faisant directement trajectoire opposé de l'original, et laissant alors la porte ouverte à de multiples idées et possibilités. Et même si la tournure que prend le film permet de s'émanciper du premier, il ne permet pas de briller dans une narration qui aurait pu être emblématique et nouvelle par rapport à ce que l'on connait déjà de l'intelligence artificielle et du discours de la vie par rapport à l'âme et la génétique en général.
On se sent donc tirailler entre une lenteur censée rendre hommage à son prédécesseur (ne pas oublier qu'en 1982, la lenteur pouvait s'expliquer par un propos inédit à l'époque et suffisait à rendre le film unique en son genre) et une réalisation mémorable qui restera dans les cahiers du cinéma.
En clair, le script de Blade Runner 2049 se repose sur la prouesse magistrale d'un directeur de photographie passionné pour faire glisser son propos trop sage et nous laisser contempler un univers pourtant riche, porté par un casting plus que convaincant.
Car qui de mieux pour incarner un robot que Ryan Gosling, habitué à des roles passifs et mystérieux dans les films de Refn.
Allant à contre courant de la réflexion de Deckard, le personnage est brillamment approfondi, nous guidant justement dans son parcours, manquant malheureusement cruellement de densité.
On retrouve également le Jared Leto qu'on aime, pas assez introduit à l'écran pourtant, mais qui permet de donner à l'histoire une sorte de successeur de Tyrell, sublimé par des orchestrations de chants tibétains, ajoutant une touche spirituelle et divine à son génie robotique.
Enfin, concluons avec le retour d'Harrison Ford, pilier de l'univers Blade Runner.
Deckard est au final discret à l'écran, aucun forcing n'étant fait sur son passif et la notoriété de l'acteur, tout en étant au centre de l'intrigue. Au delà de l'hommage ou d'un caméo obligatoire, le scénario arrive à intégrer sa trame narrative dans cette nouvelle vision et permet une conclusion de l'histoire assez logique, se basant sur un twist assez banale, faute encore à un script des plus classiques.
Blade Runner 2049 reste tout de même un blockbuster unique en son genre, une expérience cinéma exceptionnelle, tiré vers le bas par un propos maîtrisé mais beaucoup trop convenu en 2017.

Anthonyde_la_Hoz
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le 6 oct. 2017

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