J'aurai adoré aimer ce film, j'aurai adoré l'encenser et le revoir plusieurs fois au cinéma, j'aurai adoré porter Denis Villeneuve aux nues et clamer son génie sur tous les toits. Malheureusement, son Blade Runner 2049 m'a laissé, à mon plus grand désarroi, de marbre. Et c'est extrêmement frustrant car le film avait effectivement tout pour plaire. Un excellent réalisateur aux commandes, un réalisateur de renom à la production (Ridley Scott), des acteurs charismatiques, un des plus grands chefs opérateur de tous les temps à l'image, une durée digne d'un péplum et un postulat de base alléchant. Malheureusement, passées les premières minutes et l'émerveillement que procure la photographie de Roger Deakins, on se rend très vite à l'évidence en se demandant : "mais bordel de quoi ça parle ?"


En effet, et comme souvent depuis ces derniers temps, Blade Runner 2049 est gâché (le mot est faible) par deux choses : son scénario et son rythme.


Les soucis de scénario concernent à la fois l'intrigue mais également les personnages. Au niveau de l'intrigue, on se retrouve dans une histoire d'enquête de filiation difficilement captivante et annihilant tout questionnement philosophique, toute problématique inhérente à l'univers du film, à savoir la cohabitation entre androïdes et humains. Le scénario se retrouve étiré, sans trop savoir pourquoi, sur 2h45 qui m'ont paru extrêmement longues tant les séquences s'enchaînent de manière assez étrange entre avancée de l'intrigue pure et développement des personnages. Le soucis, c'est qu'aucun des deux n'est suffisamment bien géré ce qui donne un sentiment de déséquilibre et de remplissage là où l'intention était clairement d'immerger le spectateur.


Le problème, c'est que le personnage principal est un robot, et cela ne va jamais vraiment plus loin que ça. Ce n'est pas un spoil, on le sait dés les premières minutes. Autrement dit, aucune (ou quasiment aucune) expression sur le visage de l'officier K, interprété par Ryan Gosling. On le suit aller d'un point A à un point B à un point C jusqu'au point D sans, pour ma part, le moindre attachement émotionnel. Tout ce qui lui arrive semble banal, désintéressé, et peu stimulant.


Seulement, ils auraient pu rattraper le coup avec les séquences plus intimistes et permettant de le développer. Mais là encore, les scénaristes ratent leur coup tant il ne se passe rien de bien surprenant dans la relation entre l'Officier K et sa petite amie virtuelle. Même lors de d'une séquence un peu spéciale et assez intéressante visuellement où l'on pouvait penser creuser leur relation, rien ne se joue de plus, rien n'a vraiment évolué, aucune émotion n'est transmise, et l'on reste constamment extérieur à ce que l'on regarde.


Le constat est le même, en pire, pour les autres personnages. Que ce soit Robin Wright, Jared Leto ou encore Harrison Ford, tous sont sous exploités (c'est le moins qu'on puisse dire) et semblent interpréter une caricature de leur personnage.


Tout ceci participe évidemment au second problème du film qui est son rythme. Lorsque le générique a commencé à défiler, la première chose que je me suis dite c'est : "Tout ça pour ça ?". Un film de 2h45 qui aurait largement pu être raconté en 2h00. Le premier Blade Runner faisait 1h57 et il était déjà considéré comme lent, mais ici on atteint un autre niveau de lenteur. Le truc, c'est que je n'ai rien contre les films lents, lorsque cela sert le propos. Ici, j'avais l'impression que le film était lent pour être lent, sans véritablement se servir de cette lenteur.


Je suis surpris que Denis Villeneuve considère ce film comme son meilleur, ou alors il jouait au jeu de la promotion et ne le pensait pas vraiment. En ce qui me concerne, son Polytechnique, Incendies et Prisoners m'ont procuré tellement plus d'émotions et de plaisir que celui là. Evidemment, Villeuneuve est l'un des cinéastes les plus doués actuellement en activité, alors le film pète la classe, ça on ne peut pas lui enlever. Certaines séquences m'ont foutu les frissons grâce à leur réalisation, leur photographie et la bande originale de Hans Zimmer. Seulement, elles représentent 10 minutes sur les 155 minutes totales. Rien que la séquence d'ouverture est géniale, la façon dont Ryan Gosling est filmé, l'atmosphère mise en place, le sound desing, je pensais vraiment assister au chef d'oeuvre de 2017. Malheureusement, ce qui aurait pu être juste une séquence d'introduction se répète à l'infini sur tout le film et le dispositif a fini par me lasser.


C'est d'autant plus frustrant parce que je sentais vraiment que Villeneuve avait réussi à instaurer une subtilité dans le personnage de Gosling. Sa façon de parler, de réagir sans réagir, mais malheureusement ce développement ne dépasse pas le stade embryonnaire.


C'est dommage car le film était pourtant bourré de talent. Peut-être un peu trop. En tout cas, j'espère vraiment que Villeneuve va revenir aux bases avec son prochain film et nous proposer quelque chose de plus intéressant scénaristiquement parlant et aussi classe en terme de réalisation et de mise en scène que ses derniers films.


Attention, Blade Runner 2049 n'est pas un mauvais film, mais il m'a personnellement extrêmement déçu, je suis persuadé qu'il aurait pu être un véritable chef d'oeuvre, d'où ma frustration. Néanmoins, il reste, en terme de technique pure, un bijou, un régal pour les yeux et les oreilles, à découvrir au cinéma.

Scorcm83
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le 27 oct. 2017

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Audric  Milesi

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