Blade Runner. Un film mythique, créateur à lui tout seul d'un pan entier de science fiction cinématographique (le film noir futuriste) qu'il aurait été insensé de le rebooter où même d'en faire une suite.


Rivaliser avec un tel aîné, adoubé par le monde entier, relevait d'un pur suicide. Et pourtant, c'est avec stupéfaction et horreur (surtout horreur) qu'on a appris que Ridley "arrête toi" Scott avait entrepris la démarche funéraire d'achever son chef d'oeuvre après avoir mutilé son "Alien".


Mais on nous a annoncé Denis Villeneuve à la réalisation et je dois bien confesser que ça a eu le don de me rassurer. Réalisateur clivant (comme Nolan), il fait partie pour moi de cette nouvelle vague porteuse de renouveau.


Si on peut émettre des réserves sur "Incendie" et "Prisonners", autant "Sicario" et "Arrival" sont des pépites du genre. Pas des chefs d’œuvres intemporelles mais des bobines ayant eu assez de charisme pour me scotcher sur mon siège où d'avoir la délicate attention de ne pas me prendre pour un con malgré une certaine complexité.


Un choix quasi-parfait en soit.


C'est donc avec une méfiance totale mais un intérêt réel que je me suis précipité voir le "Blade Runner" 2017.


Diantre que la douche est froide.


"Blade Runner 2049" est un film beau et chiant. Il n'y a pas de meilleure définition possible. Je suis même assez surpris qu'on est laissé passer une durée de deux heures quarante trois minutes (!!!) alors qu'il en aurait fallu qu'une heure et demi pour boucler un scénario d'une nullité affligeante. C'est ici que se situe la différence fondamentale avec son aîné. Le chef d'oeuvre de Scott avait la bonne idée d'être concis tout en en étant riche, doté d'un scénario limpide (une chasse à l'homme) dont on enrobait le tout de question "philosphique", il ne perdait jamais de vue la concision.


Hors le Blade runner 2017 fait tout son inverse.


En partant d'une idée aberrante tiré du cerveau malade de Scott (la parenté avec Covenant est presque gênante) pour en tirer une intrigue ridiculement longue et simpliste, le film devient un long tunnel sans fin de scènes s'enchaînant avec la précision d'un métronome mais dénué d'âme. Ironique au vu du sujet traité, mais si le film de 1982 était parsemé d'une mélancolie et d'un humanisme glaçant, celui de 2017 n'est qu'une coquille vide tentant vainement de réanimer son intrigue pendant trois longues heures.


Le postulat du film, qui aurait du être passionnant, n'est que l'extension de l'obsession de Scott a vouloir humaniser ses machines au détriment de l'homme. La dualité entre la commissaire (plutôt bien campé par Robin Wright) qui n'aura jamais de nom autre que "Madame" et l'androïde Luv est assez représentative du vide abyssale qui anime le récit. Tout est inutilement surligné au stabylo jaune fluo, toute l'histoire n'a aucun sens pour peu qu'on y réfléchisse deux secondes et on finira la séance avec un douloureux "tout ça pour ça" blasé.


En plus d'avoir un problème d'histoire, il y a un gros souci de rythme. Comme si étant conscient de la vacuité narrative de son film, Villeneuve avait décidé de nous sortir la carte de "l'esbrouffe visuelle". Alors je préfère être franc, le film est traversé par des séquences d'une beauté époustouflante.


Ryan Gosling sortant d'une brume fantomatique dans sa dégaine de Droopy a quelque chose de magnétique. Mais l'entêtement de Villeneuve a vouloir faire des plans "contemplatifs" de cinquante secondes alors qu'un de cinq secondes aurait suffit, et ça sur toute la longueur du métrage, a un véritable effet exaspérant. Il n'y a qu'a voir la séquence de Vegas, durant vingt minutes, alors qu'on aurait pu la réduire a sept sans souci.


L'autre problème du "contemplatif" c'est qu'il doit servir un propos. Quand on voit déambuler Mad Mikkelsen dans "Valhalla Rising" (malgré tout ses défauts), il y a un sens. Les long moments de contemplation font écho avec le propos du film. Hors ici, il ne font rien.


On pourrait croire que "Blade Runner" est donc un échec cuisant mais ça serait mentir. Parce qu'au milieu de ce marasme, il y a une fantastique histoire d'amour entre un IA et un robot, moment de grâce absolu, d'une beauté éblouissante où, enfin, le film se met a nous poser de véritables questions. De cet idylle impossible, où les barrières du réel sont dynamités, Villeneuve nous interroge concrètement sur notre rapport à l'humain et à la technologie. Porté par un Gosling au firmament et une Ana de Armas saisissante de justesse, ce n'est qu'avec cette histoire que "Blade Runner 2049" devient enfin concret et tangible. Fini les séquences désespérantes, fini l'artificielle, on touche enfin le cœur.


Passons rapidement sur la musique qui se paye le luxe d'être encore plus loupé que le métrage. Insupportable du début à la fin, omniprésente, elle est un véritable supplice pour les oreilles. Donc Hans, si tu me lis, arrête les "Breum" assourdissant (dont on t'accorde la paternité alors que ça vient de Spielberg et sa "Guerre des Mondes" au passage) et remet toi à nous faire de véritables envolées symphoniques.


Bref, au vues des avis contrastés, je ne peux que conseiller d'aller le voir. Après je vous garantis pas que vous allez vous éclater. Vous voilà prévenus.


Ps : J'ai oublié de parler de Jared Leto. Et je viens de me rendre compte que j'avais rien a dire vu l'épaisseur du personnage. Tans pis, ça sera pour une prochaine fois !

tallysse
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le 4 oct. 2017

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