Après le très bon "Sicario" (2015) et le fascinant "Premier contact" (2016), Denis Villeneuve s'attaque au mythe "Blade runner" (1982), avec la bénédiction de Ridley Scott (initiateur du projet et producteur du film). Créant un univers visuel d'une grande richesse, Villeneuve réussit le tour de force d'être fidèle au film d'origine (auquel plusieurs scènes font clairement référence), tout en donnant à son film son propre style et une grande originalité. Surtout, il évite le piège qui, la technologie aidant, lui tendait les bras : en remettre dans la pyrotechnie et faire de "Blade runner 2049" une surenchère spectaculaire. Au contraire, Villeneuve, prend son temps, étire son film, joue avec les textures, les ambiances visuelles, les jeux de lumières. Secondé par un excellent directeur de la photographie et par un habillage sonore efficace (musique d'Hans Zimmer), fidèle à "Blade runner", à ses décors futuristes massifs, à sa noirceur et à son caractère étouffant, Villeneuve met en scène un monde froid, alternant vide et encombrement, espaces lisses et désordre, duquel l'humanité, en fin de compte, semble absente.
Car "Blade runner 2049" substitue aux thématiques politiques et sociales du film de Ridley Scott des thématiques plus écologiques et diverses pistes de réflexion sur le clonage, le transhumanisme, l'intelligence artificielle, le virtuel et les progrès incontrôlés de la science. Les deux films pourraient d'ailleurs marcher comme une trilogie avec "Intelligence artificielle" (2001) de Spielberg (Villeneuve ne cache pas son admiration pour le réalisateur et "Premier contact" était grandement influencé par "Rencontres du 3e type"). On retrouve dans "Blade runner 2049" les grandes questions sur l'humanité, l'identité, la sensibilité, l'amour et la finitude que développait son prédécesseur, mais réévaluées à l'aune des périls écologiques et des avancées technologiques de notre époque. Et, en cela, le choix de Ryan Gosling, acteur aussi expressif qu'un rocher, se révèle payant tant son jeu sans nuances brouille la frontière entre humain et machine, être sensible et humanoïde programmé.. D'une incroyable complexité thématique, lançant une multitude d'idées, multipliant les pistes de réflexion, "Blade runner 2049" réussit l'exploit de prolonger "Blade runner" sans le dénaturer, et de le compléter sans le dépasser. Le film de Villeneuve, qui mériterait plusieurs visionnages pour en venir à bout, ne peut fonctionner sans celui de Scott mais construit en même temps son propre monument. Jamais excessif, le film est d'une incroyable justesse, comme en témoigne la courte dernière scène, exemplaire de maîtrise. Avant elle, une scène d'action étouffante au cours de laquelle on retient son souffle, puis une séquence reprenant la fin de "Blade runner". Mais ici, froideur oblige, la neige a remplacé la pluie, sur la très belle musique de Vangelis (tirée du premier film). Passage obligé et dernier hommage au mythe qu'est devenu le film de Ridley Scott. Si Denis Villeneuve voulait en dire long sur notre époque, tout en perpétuant la puissance, la richesse et la beauté de "Blade runner", il y est parvenu.
KevinChartron
9
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le 12 oct. 2017

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Kevin Chartron

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