Le monde est un endroit étrange en 2017. Ce n’est pas un début très original, mais c’est toujours un début. La preuve.


Le monde était déjà très probablement un lieu étrange en 475 ou en 1658, et il le sera très probablement toujours en 2049 ou en 2987, si l’on parvient jusque-là. C’est ce que semble vouloir nous dire Villeneuve, très lentement. Au ralenti. Villeneuve est un homme qui aime prendre son temps. Il prend son temps pour ouvrir soigneusement ses portières sous la neige et aussi quand il marche très lentement sur le sable d’un désert. Puisque c’est bien de sable que les déserts sont constitués, et non pas de grandes fleurs roses ou d’iceberg en puddings bleus. Ou alors veut-il peut-être nous dire qu’il est possible de se masturber pendant 2h45, avant d’éjaculer, très lentement toujours, puisque l’on vient de voir que Monsieur Denis est un homme peu pressé. Un homme qui prend son temps, au cas où vous ne l’aurez pas encore compris. Un homme après lequel on aimerait mieux ne pas se trouver dans la file d'attente des toilettes d’un kebab Polonais. Mais les habitudes alimentaires de Villeneuve quand il se rend en Pologne ne nous intéresse pas tellement. En tout cas pas ici.


Le monde est un endroit étrange en 2017, donc., puisque j'ai le temps de penser un peu. Un endroit beau et absurde, comme un papillon qui pète sur une coccinelle pendant que tous ses amis papillons rient très fort, parce que la coccinelle est plus faible et qu’elle ne peut pas se défendre. Mais les papillons ont de jolies ailes, très fines et multicolores, et les coccinelles sont rouges avec de petits points noirs, alors c’est beau et tout le monde s’émerveille. Un endroit indomptable où, une fois sur deux, je finis toujours par me pisser sur le bout des pieds quand je vais aux toilettes, de belles chaussettes léopard aux pieds, mes préférées, mais toutes les autres sont au sale, en attente d’un lavage, et je n’ai pas le temps de les faire sécher parce que je suis en retard, alors je les laisse et je pars les pieds dans l’urine. Un endroit fascinant où il y a toujours des gens pour occuper un siège dans le bus avec leur sac, quand il y a dix personnes debout les unes contre les autres, comme s’ils détenaient là-dedans quelque chose d’inestimable, une solution pour répandre l’amour partout sur terre, une formule qui permettrait à toute l’humanité d’avoir de jolis rêves ou alors un déodorant qui ferait transpirer de fines gouttes d’or. Un endroit civilisé où les gens se retournent pour dévisager un vieux monsieur dans son manteau de laine bleu qui chantonne dans la rue, parce qu’ils ne sont pas habitués à une si simple expression du bonheur, et que s’ils sont continuellement perdus, seuls, dans un nuage de tristesse gris et noir, alors ça devrait être le cas pour tout le monde. Un endroit merveilleux où l’on nait dans le seul but de se lever tous les matins, de rester coincé une heure dans les bouchons pour aller travailler toute la journée, et permettre à quelques chanceux en costume de garer leur hélicoptère sur leur bateau. Un endroit au pic de son évolution où une centaine de personnes tuées dans un attentat à Beyrouth ne passent pas aux informations, parce qu’une vieille dame du Morbihan a un chat à la moustache frisée qui sait réciter du Molière en Tchèque avec ses renvois de pâté au caviar d’esturgeons en velours arc-en-ciel. Un endroit où un film peut commencer par un gros plan sur un œil, proposer la même bande-originale Hans Zimmer que dans vingt autres films par an depuis 2005 et se terminer sur une main triste contre une vitre et être considéré comme un chef d’œuvre. Oui, Monsieur Denis, moi aussi j’aime bien ça, me masturber.


Le monde est décidément un endroit étrange en 2017.


Ça fait aussi une fin.

Clode
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Une année au cinéma : 2017

Créée

le 13 oct. 2017

Critique lue 409 fois

12 j'aime

3 commentaires

Clode

Écrit par

Critique lue 409 fois

12
3

D'autres avis sur Blade Runner 2049

Blade Runner 2049
Djack-le-Flemmard
5

Blade Ruinneur

Denis Villeneuve est un metteur en scène qu'on apprécie. Sicario, Enemy, Premier Contact... la plupart de ses œuvres sont puissantes, et on sait le bonhomme capable de mettre une beauté plastique...

le 4 oct. 2017

209 j'aime

40

Blade Runner 2049
Chaosmos
9

Simulacres et simulation

Pourquoi Blade Runner 2049 ? Cette question se posait à l'annonce d'une suite aussi intrigante qu'inquiétante et force est de constater qu'elle se pose encore aujourd'hui. La nouvelle création de...

le 5 oct. 2017

160 j'aime

31

Blade Runner 2049
Behind_the_Mask
9

Solitudes hémorragiques

Pour ne pas être seul, on se réfugie dans une mégalopole techno. On vit les uns sur les autres dans des cités dortoirs. Et personne ne se connaît. Et les rues sont remplies, de gens qui baissent la...

le 4 oct. 2017

154 j'aime

35

Du même critique

A Beautiful Day
Clode
7

Un sourire

Joe aime les marteaux. Les marteaux noirs en acier, avec écrit dessus "Made in Usa" en petites lettres blanches. Dans sa main, les marteaux paraissent petits. Les marteaux sont gros, aussi gros qu’un...

le 9 nov. 2017

54 j'aime

4

Juste la fin du monde
Clode
4

La famille hurlante

Au sein de la famille de Louis, ils ne se ressemblent pas tellement. Non. Pour commencer, ils ne se ressemblent pas beaucoup physiquement. La famille de Louis n’est pas une de ces familles où tout le...

le 27 sept. 2016

53 j'aime

12

Deadpool
Clode
5

Bites, culs, prouts

C'est l'histoire d'un chat qui s'appelle Christian. En tout cas, c'est le nom que lui donnent les gens. Christian est un de ces chats qui se balade partout dans la ville sans que personne ne sache...

le 12 févr. 2016

51 j'aime

8