En allant voir « Blade Runner 2049 » une première fois, j’ai pris une claque visuelle comme rarement j’en ai pris. Pour le reste, j’avais trouvé le film trop lent, les dialogues insistants, les intentions mal définies, l’intrigue cousue de fil blanc... Le tout ampoulé, vain, creux, amorphe, sans pouvoir ressentir de l’empathie pour les personnages et le sieur Ford m’énervait avec son jeu d’acteur qui tourne en boucle…
Déçu, j’ai ensuite visionné Blade Runner (Final Cut) pour la énième fois et je l’ai apprécié encore un peu plus. Je l’avais vu (dans son premier montage) quand j’avais 10/12 ans et je n’avais pas aimé l’histoire qui m’avait tout de même profondément marqué. Puis, à chaque nouveau visionnage j’ai de plus en plus apprécié ce film au point qu’il est devenu un de mes films culte.
Profitant d’une séance Imax (le film est tourné dans ce format), je suis allé revoir 2049, juste pour le régal des yeux, en pensant m’ennuyer assez rapidement.
Quelle ne fut pas ma surprise en ressortant de la séance : mon ressenti a été complètement différent de la première projection ! Sans aller jusqu’à parler de chef d’œuvre, j’ai vraiment été conquis par la proposition de Denis Villeneuve.


Je pourrais écrire un roman sur l’aspect visuel du film tant les images, les plans, les lumières sont travaillées au plus haut degré de perfectionnisme ! D’ailleurs, durant le second visionnage, j’avais plus de liberté pour me concentrer sur les détails et j’ai encore plus savouré le travail d’artiste.
Des décors aux éclairages, des images de synthèse aux constructions des plans, du début à la fin, quelque soit la partie de la ville ou des extérieurs portés à l’écran, c’est beau, majestueux, avec un champ focal très étendu. Je ne vais pas m’attarder plus longtemps sur ce point fort du film, je voudrais simplement clore ce sujet par une scène où l’on voit Ryan faire un compte rendu à son chef, dans un bureau situé dans une tour de la police. Cette scène est filmée de l’extérieur, il pleut sur les fenêtres, c’est magnifique au point que l’on se croirait dans un tableau d’Edward Hopper (Nighthawks version pluvieuse) ! Des plans aussi beaux et originaux, le film en est truffé au point que l’on est hypnotisé par la beauté de l’ouvrage.


Maintenant, attardons nous sur le reste, qui m’avait fâché complètement et qui est mieux passé au second visionnage.
Premier conseil pour apprécier la suite, il est bon de revoir Blade Runner quelques jours avant.
Cela permet de mieux savourer les nombreux clins d’œil et références ainsi que de retrouver quelques personnages et de voir leur évolution 30 ans après, bref, il est bon d’avoir 2019 en tête.
En revanche, second conseil, ne vous attendez pas à retrouver la ville aussi si bien rendue que dans l’original. La suite se déroule 30 ans après, les choses ont changées… en pire. J’aurais aimé plus de scènes dans les bas-fonds, le film de Denis se déroule majoritairement dans des zones extérieures ainsi que d’autres villes. Après tout, cela donne plus de liberté pour les décors et évite la resucée du premier opus. Malheureusement, la sensation d’écrasement dans des rues étroites et vertigineuse n’est plus là, place aux espaces vastes qui ne laissent aucun doute quant à la désolation d’un monde mourant, pollué à outrance où la nature est morte. La dystopie est dépressive mais elle devient aussi presque féérique malgré la noirceur la plus âcre qui soit !


Autre différence entre le 1 et le 2 : le rythme. 2049 c’est un peu Blade Runner rencontre Drive, ça plane, c’est contemplatif, c’est esthétique (oui je sais, il y a aussi Goslin dans les 2 films mais ça n’est pas là mon propos). En revanche, 2049 n’a pas du tout l’intensité des rares scènes d’actions, dans Drive c’était des points d’orgues salvateurs... Si elles ne sont pas particulièrement importantes dans le scénario, elles auraient mérité plus de punch… Il faut bien avouer qu’à 75 ans, Harrison est un peu au ralenti (même s’il a réellement mis un coup de poing à Ryan durant le tournage).
Enfin, la différence majeure réside dans l’aspect humain. En 2019, les réplicants étaient plus humains que la majeure partie des habitants de LA. Ils étaient animés d’une soif de vivre, d’envies, de désirs charnels… Quand Batty s’éteignait, il déclamait que tous ses « souvenirs seront perdus comme des larmes sous la pluie ». C’est puissant et profond.
En 2049, il semble y avoir encore moins d’humain sur terre (en même temps, vu les conditions de vie…) et ces derniers sont apeurés et haineux envers les réplicants (pourtant conçus pour être désormais de bons toutous obéissants). Les réplicants sont des pantins sans désir de vie, sans espoir, ils n’ont aucun espoir d’humanité.
Les souvenirs réels (ainsi que les implants) n’ont plus d’importance pour eux, la seule humanité possible passe par la mort : « mourir pour la bonne cause et la chose la plus humaine que nous pouvons faire » !
Cela fait un froid glacial jusqu’aux os -qu’ils soient réels ou manufacturés-, on ressent cette froideur glaciale tout au long des 2h40 au point que l’on peut se aisément se détacher du film.


La seule scène charnelle du film est plus froide qu’un glaçon dans un whiskey que semble tant apprécier Ford. D’ailleurs, pourrait-il en être autrement avec une femme holographique / virtuelle ? Une fois de plus, l’humanité est en retrait…
Pourtant, quand l’agent K commence à croire qu’il pourrait être le fils né de 2 réplicants, il perd son calme programmé et devient de plus en plus humain, ses réactions finissent par être proches de quelqu’un qui a le sang chaud. Cela donne un tournant au film qui m’avait échappé au premier visionnage. Sur ce point-là, même s’il est beaucoup moins marqué, on retrouve un intérêt majeur comparable au premier film.


Petite parenthèse, la musique qui fait un bel hommage aux compositions de Vangelis, n’est malheureusement pas du tout à la hauteur. Pire, elle utilise de façon presque caricaturale, des effets pompeux (brooooammmmmm) pour surligner des passages qui s’en seraient pourtant fort bien passés !
Ces effets sonores renforcent la sensation que le film est prétentieux… C’est dommageable aux images qui ont un tel impact, que le silence aurait amplement suffit pour être percutant.


Avant de conclure, un détail m’a sauté aux yeux dans les deux films, à savoir la façon dont le futur est représenté avec des technologies et des vêtements très proches de l’époque quand le film est tourné.
Dans 2019, nous voyons des ordinateurs poussifs à écrans cathodiques et des tenues typiques des années 80, dans 2049, nous voyons des drones et des tenues typée 2017. C’est amusant de voir avec quels éléments contemporains on parvient à représenter le futur qui semble très périmé 30 ans plus tard !
On peut aussi se demander si le manque d’humanité et l’utilisation d’éléments holographiques / virtuels plus prépondérants que dans Blade Runner, sont liés à notre société actuelle plus prompte aux réseaux soucieux et lunettes de réalité virtuelles qu’aux échanges réels ?


Au final, la frontière entre d’éventuelles maladresses ou un coup de génie dénonciateur est difficile à établir, reste que ce film est troublant et semble pouvoir s’apprécier pleinement qu’après plusieurs visionnages.
Le temps nous dira si c’est une bonne suite ou non, mais je peux d’ores et déjà affirmer que ce film restera un jalon dans l’histoire du cinéma, ne serait-ce que pour ses images.

ATHMOS
7
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le 16 oct. 2017

Critique lue 311 fois

ATHMOS

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