Etait-ce raisonnable de faire une suite au cultissime Blade Runner de 1982 ?
Evidemment non (sauf pour les producteurs qui vont bien se remplir les poches). Cette suite est-elle malgré tout honorable ? Là encore, hélas, non.


Certes, plastiquement ce Blade Runner 2049 est tout à fait présentable et même plus que ça, avec une ambiance crépusculaire, brumeuse, pluvieuse, neigeuse, désenchantée, remarquablement restituée et une belle variation dans la gamme chromatique, allant du bleu gris à l’orange, en passant par le vert. Le directeur de la photo a fait du bon travail. Les décors et effets spéciaux sont eux aussi à la hauteur et la bande son très travaillée participe à la création d'un univers oppressant, même si la musique trop redondante finit par saouler à la longue. Le début est très prenant et prometteur, laissant présager une œuvre forte.
Je ne suis pas sûr que les fans de SF version Blockbuster soient tout à fait satisfaits, du fait finalement du peu de scènes d’actions et surtout d’un rythme très lent qui plombe un peu l’ensemble. Mais le premier volet de 1982 n'était pas non plus survitaminé et de ce point de vue, sa suite est dans la continuité. Quoique c'est quand même très lent...


Ryan Gosling s’en sort très bien avec un jeu sobre et efficace, Harrison Ford, qu’on voit moins, est plutôt bien, même s’il est parfois à la limite du cabotinage. Le reste de la distribution est tout juste correct, la méchante très sèche n’étant pas trop mal, Jared Leto en revanche est en dessous du minimum exigé pour un tel film, sans toutefois qu'on puisse dire si c'est parce qu'il manque de charisme ou parce que son personnage est mal écrit (va savoir, il se pourrait même que ce soit les deux).


Mais le problème majeur se situe du coté du scénario, qui malheureusement est assez épouvantable.
Alors que le premier volet de 1982, adapté du roman de Philip K Dick, avait une dimension philosophique intéressante, avec des interrogations comme des machines intelligentes peuvent-elle s’émanciper de leur créateur ? L’homme peut-il être un Dieu ? Comment affronter la mort ? Et surtout, qu’est-ce qu‘être humain veut dire ? Là que reste-t-il ? Rien, ou presque.


On a juste un Blade Runner nouvelle génération, chargé de trouver l’enfant d’un humain et d’une répliquante, qui pourrait menacer le pouvoir, qui se mue en une quête d’identité, mais c’est vraiment léger et même plutôt bidon.
On pense à un moment à Matrix, avec l’élu censé mener la révolution, à un autre à Her avec une ridicule histoire d’amour entre K et sa compagne virtuelle, qui comme dans Her veut s’incarner en une femme pour pouvoir charnellement aimer le beau K. Que cette partie fleur bleue est pesante et surfaite !


La dimension politique est également reléguée au second plan. On a bien une bande de zonards prêts à prendre les armes, mais K n’a pas l’âme d’un leader révolutionnaire. Il aimerait bien être un humain menant une noble cause, mais il n’est au bout du compte qu’une machine high-tech efficace. C’est peut être ça un héros d’aujourd’hui, un homme aussi balaise qu’une machine …


La fin est assez lamentable, avec une héroïne qui ne va pas refaire le monde, mais qui, bien intégrée au système, va permettre à la multinationale qui le dirige de vendre du rêve à ses robots en leur fabriquant des souvenirs.


Bref, s’il est beau plastiquement et fidèle à l’ambiance du premier, ce deuxième volet de Blade Runner ne génère que peu d’émotions, si ce n’est la tristesse de contempler un objet sans âme.
Denis Villeneuve, s'il s'en sort bien du point de vue de la mise en scène, n'est ici qu'un maillon d'une entreprise commerciale luxueuse, comme tant d'autres. Cette suite est bien un projet de producteurs : utiliser une marque emblématique pour faire des profits juteux.
A quand un Blade Runner 3 ?

Roinron
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le 17 oct. 2017

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Roinron

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