« Blade Runner 2049 » n’est plus un film de science-fiction, c’est un paroxysme de la critique sociale futuriste et d’ailleurs pas si futuriste que ça. Le film est marqué par ses deux fils directeurs : la conquête de soi et le choc des classes sociales. Ici, pas de religions, pas pauvres ou de riches mais des humains et des esclaves créés par bioingénierie.
Tourner un nouveau « Blade Runner » ce n’est quand même pas une mince affaire, on parle d’un film réservé à un public de cinéphile averti, un mélange de science-fiction et de film intellectuel et sachez-le, satisfaire le cinéphile c’est presque « mission impossible ». Ce qu’on retient le plus dans « Blade Runner 2049 » c’est le visage de la solitude. Le personnage de Harrison Ford dans le premier volet interprétait avec bravoure et brio ce sentiment face à la caméra de Ridley Scott mais cette suite revendique bien plus ouvertement cet éloge paradoxal à la solitude, à tel point que nous nous sentons imprégnés par ce sentiment durant tout le film. En entrant dans la salle on prend littéralement son envole vers la mélancolie glaciale d’un Los Angeles ravagé où la nature n’est plus, le soleil est mort et les « réplicants » et les « peau de robots » ont pris le contrôle du monde. Pour ceux qui espéraient des scènes d’explosions, de bastons rythmées et de gros flingues, passez votre chemin et bouffez-vous un bon nanar en streaming, ici on assiste à la création d’un chef d’œuvre.
Vous l’avez sûrement compris, ce film est un chef d’œuvre cinématographique accompagné d’une claque visuelle et sonore qui frappe là où ça fait mal. Le film est splendide. La ville, les ruines désertiques, la cendre, la neige, les intérieurs, tout est parfait, léché à l’extrême, évidemment, mais dans l’héritage direct du film originel, pas grand-chose de nouveau sur ce point-là et c’est plutôt une bonne chose. Le réalisateur Denis Villeneuve nous transporte dans un monde parallèle où il règne en maitre avec ses apôtres : Hanz Zimmer, qui signe une BO pratiquement aussi bluffante que celle de Vangelis dans le premier opus, mais celui qui nous apporte le plus grand plaisir de cinéphile c’est Roger Deakins, le directeur de la photographie qui nous livre quelques-uns des meilleurs travaux de sa carrière, évoquant habilement l’apparence de l’original tout en apportant des moments de couleur extrême et un contraste encore plus extrême à la table. Ce LA n’est pas aussi enfumé que tous les endroits du film de Scott, mais il offre son propre genre d’ambiance.
Comme on peut le déduire du titre, le nouveau Blade Runner se déroule 30 ans après l’original. La Tyrell Corporation, qui a construit les premiers androïdes, a disparu, mais une nouvelle société, dirigée par un nouveau génie avec un complexe de dieu, est intervenu pour prendre sa place. Niander Wallace (Jared Leto, qui joue le rôle d’une sorte de leader du culte yogi) a pu faire ce que Tyrell n’a jamais réussi : il a créé des répliques qui sont heureusement asservies, et donc autorisés à marcher librement parmi les humains. Mais il y a encore des unités renégates qui se cachent, et c’est là que les Blade Runner comme K (Ryan Gosling) entrent en jeu. Alors qu’il retire un vieux réplicant, K tombe sur un mystère qui a le potentiel de changer définitivement la façon dont les gens pensent aux humains et aux réplicants.
Pour conclure, je saluerai ouvertement et à genou le travail fou livré par Denis Villeneuve et son équipe qui pendant pratiquement trois heures (qu’on ne voit pas passées) nous expose à une poésie cyberpunk qui embarque le spectateur vers un autre monde, aux dimensions philosophiques et lyriques sans précédent, se concluant par un final aussi marquant que « des larmes dans la pluie ».

AntoninMiguet
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le 26 févr. 2018

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Anto Cash

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