Il faut constater que depuis quelques années, après les fantasques reboot et remake c'est au tour des sequels de pondre en pagaille. Si certaines suites ne sont pas surprenantes, voire même décevantes, d'autres sont impensables et inattendues.
Blade Runner, signé Ridley Scott, sorti en 1982 aura marqué d'une pierre blanche l'univers de la science-fiction. Tellement important, encore aujourd'hui que d'imaginer une suite à cette œuvre parait fou et évidement vain. C'était sans compter sur un certain québécois du nom de Denis Villeneuve.


Depuis 2013 que cet homme s'emploie à nous claquer violemment la tronche, bûchant sans relâche pour aller de plus en plus loin, voire même vers l’infini. Remaniant le thriller policier avec Prisoners, puis le psychologique avec Enemy, nous entraînant dans la violence mexicaine, Sicario, sans oublier ses premiers pas dans la science-fiction avec Arrival. Jamais il ne s'arrête, son ascension n'a d'égal que son talent.
Alors quand le britannique à l'origine du premier Blade Runner ne peut pas se permettre de réaliser sa suite à cause d'un emploi du temps chargé, il s'en remet directement à l'homme étant sans aucun doute le mieux placé pour mettre à profit son scénario. Ce qui donne un bordel de putain de monstre !


2049 est une hype depuis la sortie de son trailer, l'image m’était rentré dans le cerveau et y avait fait son nid, une claque esthétique assurée. L'histoire quant à elle n'était que floue forcément, où allait-nous mener cette suite, se déroulant 30 ans plus tard ?
Il fallait que je me revoie l'original avant de passer la porte de mon cinéma pour découvrir cette nouvelle aventure. Revisionnage peu chavirant étant donné que je fus surpris de cette déception. Un film que je me remémorais assez riche et qui finalement s'avère très simple, trop simple, l'univers n'est pas exploité à sa juste valeur et l'histoire trop restreinte pour l'ambition du projet, cela n'en reste pas moins un divertissement efficace.
J'avais donc le petit arrière-gout dans la bouche et dans l’appréhension que son sequel en fasse de même. En sortant de la salle je pouvais confirmer les dires de sir Scott, cette suite est bien meilleure que l'original, je serais même tenté de dire: et de loin !


Denis Villeneuve réuni tout ce qui marche dans ses films depuis l’assommant Prisoners, une photographie scotchante, une bande son tapante et une réalisation fluide, sans oublier la mise en scène lente s'élevant en crescendo.
A force de l'attendre je ne savais plus à quoi m'attendre justement, et comment ai-je pu douter sincèrement ? Denis est-il parti pour toucher le jackpot à chaque coup où le château finira un jour par s'effondrer ? Quoiqu'il en soit, Blade Runner 2049 est déjà une pure merveille formelle, symétrique et soignée au possible, l'image de cette Amérique rétro-futuriste est à tomber, poisseuse, poussiéreuse et ultra digitalisée. Les effets spéciaux sont remarquables, je repense encore à la scène où l'hologramme, compagne du personnage principal se mélange avec la prostitué, d'une beauté tentaculaire rare. Les couleurs sont superbes, toute la partie à ce que je présume être Las Vegas est chaudement magique. L'antre de Wallace avec cette eau agitée qui se reflète sur les murs est magnifique également.
La bande son est reine chez Villeneuve, souvent similaire, à quelques différences près. J'en ai lu se plaindre à son propos d'ailleurs, déçu que Jóhann Jóhannsson soit remplacé par Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch. Personnellement je trouve les travaux des deux hommes assez proches du travail de Jóhannsson pour le coup, donc aucune déception, au contraire, l'ambiance bourdonnante colle à merveille à la rouille et aux rues embrumées de L.A. Un bonheur auditif une fois encore, prenant aux tripes. Se rapprochant de celle du premier film en évitant le côté jazzy trop prononcé de l'époque.
La mise en scène de son côté est étonnante, tant le culot d'instaurer une ambiance aussi lente pour un film de science-fiction aussi imposant et inattendu est poussé. Rien que l'intro, me rappelant quelque peu celle d'Inglourious Basterds semble annoncer cette lenteur qui touchera tout le métrage. Captivant du début à la fin, grâce aussi à cette réalisation virtuose et purement cinématographique, d'une beauté et d'une précision rare pour ce genre de film.


Denis Villeneuve aime raconter des histoires et surtout les sublimer techniquement, sans se priver au passage d'un casting royal, ce qui est une fois de plus le cas. Ryan Gosling en tête, la remarque que j'ai lu comme quoi il était retombé dans son jeu à la Drive et Only God Forgives est totalement ridicule tant l'acteur passe par plusieurs émotions au fil de l'histoire. Une prestation toute en justesse, pleine de tendresse et de nuances. La très mignonne Ana de Armas l'accompagne magiquement, tout comme la redoutable Sylvia Hoeks. Robin Wright est implacable, quand Dave Bautista est étonnant de retenu. La sublime et mon adoré Mackenzie Davis se voit attribuer un rôle ma foi conséquent et elle y est géniale.
Harrison Ford, comment s'en passer forcément ? Le célèbre Deckard du premier film, arrivant et ce avec surprise tant les trailer le mettait en avant que dans les quarante dernières minutes. Il reprend à merveille son rôle en y ajoutant de la subtilité.
Je gardais le meilleur pour la fin, l'immense et toujours surprenant Jared Leto, deux scènes lui suffise pour imposer son charisme légendaire et son look christique. Une fois encore il étonne en choisissant pour son rôle d'aveugle de porter des lentilles de contact opaques, ainsi il n'a même pas vu du tournage son idole, Harrison Ford. Parfaitement grandiose dans ce rôle du terrifiant visionnaire d'abord proposé à David Bowie.


Blade Runner 2049 est donc selon moi un film parfait, une fresque de science-fiction qui si elle s'apparente à une histoire simple, se voit enrichie d'un univers bien plus exploité que dans l'original, d'un sentiment total également, comme si les personnages principaux n'amenaient qu'à quelque chose d'encore plus grand. Une œuvre complète, sans accro, le montage est sublime, le dernier plan est d'ailleurs d'une justesse remarquable, rendant le personnage de Deckard plus humain que jamais, quoi qu'il soit. Un thriller humanoïde au twist inattendu, d'une force visuelle et à l'ambition payante.
Trois courts métrages ont précédés le film pour expliquer vaguement ce qu'il s'est déroulé entre les deux Blade Runner, mais cette suite suffit largement à comprendre l'ampleur des deux œuvres, tant elles se suivent logiquement et brillamment.

-MC

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