Blade of Fury
7.6
Blade of Fury

Film de Sammo Hung (1993)

"L'épée à la main, difficile de la reposer."

La vague de Wu Xia Pian hongkongais qui frappa le monde lors de la première moitié des nonanties apporta avec elle un joli tas de chefs-d'oeuvre, dont certains trônent fièrement parmi mes films favoris, Blade of Fury est de ceux-là.
Le très fameux Sammo Hung (Warriors Two, Zu, les Guerriers de la Montagne Magique, Ip Man 2...) décide en ce début de décennie de réaliser un remake d'Iron Bodyguard (1973), classique du genre signé Chang Cheh.


C'est ainsi que sort Blade of Fury en l'an de grâce 1993.
Verdict ?
Une tuerie. Totale.


Une tuerie totale qui se déroule en 1898, à une époque où la Chine impériale risque une invasion des pays étrangers. Un lettré renommé, Tan Si-Tung, interprété par Ti Lung (Le Sabre Infernal, Combats de Maîtres, Le Syndicat du Crime...) est en chemin vers Pékin afin de présenter son projet de modernisation du pays, dans le but de la préparer aux défis culturels, économiques et politiques du siècle qui s'annonce, et à lui éviter la colonisation. Il réussit à devenir ami et à tirer de sa tristesse absolue un artiste martial surpuissant, Wang Wu, joué par Yang Fan, ancien chef d'une société secrète nationaliste, qui a vu tous ses amis périr au cours d'une scène d'introduction dantesque, où le bruit de l'acier qui découpe les membres des soldats japonais se mêle à celui des mines qui explosent et réduisent ses compagnons à l'état de tas de chair agonisants.


Car ce qui fait de Blade of Fury un grand nom du Wu Xia Pian, c'est sa générosité en scènes de bagarre (à peu près autant que dans la Dernière Chevalerie, de John Woo) qui renchérissent chacune en matière de démesure sanglante et d'énergie meurtrière, décuplées par un réalisation aussi mouvante et dynamique qu'un coup de sabre, avec en guise de cerise sur le gâteau un montage moderne et très découpé multipliant les plans et les angles. Regardez ce petit combat d'une minute et demie, si vous ne me croyez pas (vous inquiétez pas, il spoile rien).
La caméra de Sammo Hung sait vraiment quand s'éloigner de ses personnages pour mettre en exergue la vitesse folle et la furie des bastons, et quand se rapprocher d'eux pour filmer (souvent en contre-plongée, d'ailleurs) leurs doutes, leurs craintes et leurs colères, on sent toute son expérience de réalisateur de films d'art martiaux, hélas très sous-estimé, en plus d'être un excellent artiste martial malgré sa corpulence.


-D'accord, père Castor, mais ces scènes de bagarre, elles finissent pas par donner une indigestion en devenant un poil répétitives ?


-Euh, nan, frérot, pas du tout du tout du tout. Chaque combat a ses petites particularités, le rendant unique : on aura ainsi droit à la mêlée générale comme au combat singulier, dans des lieux aussi divers et variés qu'une prison, une ville paumée au beau milieu du désert, un octogone dans un tournoi...Avec toutes sortes d'armes, comme les poings, la lance, et bien sûr le sabre chinois, car on ne change pas une équipe qui gagne.


De plus, que serait un combat sans portée émotionnelle ? Parce qu'il y en a dans ce film, qui a le mérite de gérer correctement des personnages crédibles et attachants, malgré sa courte durée d'une heure et demie, et de les insérer au sein d'une histoire encore plus triste qu'une glace fondue.
Car les combats qu'ils mèneront contre les conservateurs seront intimement liés à leurs motivations, et par extension aux thèmes du film : l'importance de lutter coûte que coûte pour ce que l'on estime juste, de savoir se sacrifier pour cela, de ne jamais se laisser abattre, et aussi l'angoisse de la Chine quant au XXème siècle qui sera bientôt là, faisant écho aux angoisses des hongkongais qui émergèrent durant les quelques années précédant la rétrocession de l'île à la République Populaire de Chine.


Sammo Hung, en plus de casser, puis de n*quer sa mère à la baraque avec ce film explosif, injecte donc ici ses convictions idéologiques, fait trop rare dans un genre aussi relativement peu politisé que le Wu Xia pour ne pas être mentionné : il propose ainsi un pur film d'auteur, radical, viscéral et sans concessions.


Hélas, ce film fut à sa sortie un flop avec un grand F, et aujourd'hui encore, il est connu principalement des connoisseurs, et cumule à ce jour à peine 270 notes sur SensCritique. Je compte donc sur vous pour faire grimper en flèche ce chiffre, si vous ne voulez pas que je vienne vous tabasser avec mon DVD de la Rage du Tigre.


Vous êtes prévenus.

BaleineDesSables
10

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le 30 janv. 2020

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