Quiconque d’un tant soit peu attentif à ce qui se fait en matière de films d’horreur n’est pas sans connaître un certain phénomène cinématographique consistant à surfer sur la vague de métrages à succès. Que ce soit Freddy, Jason, Ash Williams, les petits biftons récoltés par les opus originels de Ouija, The Ring, Destination finale ou Détour mortel (liste non-exhaustive) : suites, préquels, remakes et résurrections vont bon train et du fait du chaleureux accueil de la plupart d’entre eux, l’argent n’est pas trop en reste non plus. Mais alors, autant pour certaines productions grand public avec un certain budget ou un personnage autour duquel développer, il y a matière à compréhension. Prenez maintenant un petit film semi-indépendant, sans aucune prétention, 25 000$ de budget, avec acteurs amateurs et vieille caméra : qui aurait pu croire à un très bon film, qui engrangerait près de 248 000 000$ de bénéfices et projetterait pour quelques temps le found footage au premier plan ?
Bien entendu, le film ne s’inscrivait dans aucune volonté de franchise, et se destinait à demeurer unique en son genre. Puis un an plus tard fut annoncée Blair Witch 2 : Le Livre des ombres, comme un pavé dans la marre. Sans s’étendre dessus, le budget du film poussé à 15 000 000$ révèle à lui seul les intentions d’Artisan Entertainment et Haxan Films : se remplir les poches, avec dédain de ce qui faisait la singularité d’une recette.


Blair Witch 2 : échec commercial, descendu par la critique, descendu par la presse, Razzie de la pire suite de film. Fin de l’histoire ? Eh bien non ! 16 ans plus tard, Lionsgate rapplique dare-dare et reprend les choses en main avec 25 000 000$ (dont 20 000 000$ de post-production), considérant son prédécesseur comme nul et non-avenu. C’est donc de nouveau la suite directe du Projet Blair Witch que nos écrans accueilleront en l’an de grâce 2016.
Et ce n’est pas une bonne chose. Encore une fois, pourquoi s’évertuer à surfer sur la vague d’un pauvre bon film n’ayant rien demandé à personne, sans que rien ne le justifie ? Retrouver les cadavres des trois étudiants, découvrir le visage de l’entité hantant Blair Witch, lever le mystère planant sur la forêt, seraient toute une foultitude de prétexte fallacieux qui détruiraient à petit feu toute la petite mythologie que le film s’est lui-même forgé, alors pourquoi ? Vous le savez déjà en fin de compte.


En l’occurrence quel est le prétexte pour retourner à Blair Witch ? Le frère de la caméra(wo)man du Projet a visionné de nouvelles bandes y ayant été retrouvées. De tous les prétextes ils choisissent donc le plus débile. Suite à quoi les personnages s’accumulent et s’accumulent, à ne plus savoir qu’en faire et à ne pas retenir le plus court de leurs prénoms, à se demander quelle est leur utilité et à ne pas du tout s’y attacher.


Tout dans ce Blair Witch est en fait la preuve que les instigateurs du projet n’ont rien compris au premier film et ne comptent que sur le nom de ce qu’ils considèrent comme une licence pour faire partir les places. La tension crescendo fait place à une accumulation absurde de jump scares et de faux suspenses, la sensation de perdition est absente car mal faite et mal emmenée par ce tourbillon de personnages qui jouent mal, qui passent leur temps à hurler et à appeler ce nom, tu sais même pas à qui il appartient, noyés dans des bruits de forêt trop forts qui empêchent la moindre tension de se créer, tout ça dans un délire totalement clipesque de shaky-webcams dégueulasses. Dans le premier film, on avait une caméra pour trois personnages, avec coupures fréquentes, quelques embrouilles par-ci par-là, dans un environnement hostile mais globalement silencieux, et il y avait un système de suspense simple mais très efficace.


Qu’est-ce qu’on a ici ? une demi-douzaine de caméras-oreillettes, censées donc filmer de biais, mais capturant systématiquement leur sujet en plein centre de leur objectif, à croire que ces jeunes explorateurs en herbe se sont exprès donné des torticolis pour vouloir rendre leur montage plus authentique. Effectivement, l’ensemble fait un peu shaky-cam, et dans un found-footage ce n’est pas un mal, mais avec ce système de caméras on ne devrait rien voir, là on voit tout.


Non content de massacrer la logique du cadrage, là où le premier film ne laissait vraiment poindre aucun élément surnaturel, ici tel est bien le cas. Et vas-y que les arbres s’écroulent à tout bout de champ, et vas-y que ma tente s’envole, et vas-y qu’un des gugusses se fait posséder, et vas-y qu’un personnage se volatilise littéralement… Y en a pour tous les goûts et toutes les couleurs, Blair Witch verse donc dans le film fantastique pur et dur.


Allez, on a quand même fait un truc, du jamais-vu dans le found footage : on a des plans drone ! C’est cool, non ? Non.
Alors quoi, y a rien de bien dans notre truc ? Peut-être que parfois ça fait sursauter, mais ça ne compte pas vraiment. Éventuellement, la toute fin a un côté poisseux un peu dérangeant.


Blair Witch : -échec commercial, descendu par la critique, descendu par la presse- bis, mériterait son Razzie. C'est fini maintenant ? Hein ?

Aldorus
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le 11 avr. 2017

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