Pour un maximum d'objectivité, j'ai regardé le Projet Blair Witch et Blair Witch d'affilé.
(Oui, j'ai une vie, je vous assure. Ou pas, en fait...)


Le problème avec les classiques, c'est que tout le monde les connaît (gnié) et qu'on les a adoré dans un contexte particulier. Aujourd'hui, L'Exorciste ferait grincer des dents, mais s'il est aussi connu, c'est bien pour une raison, non ?


Avec du recul, on trouverait Jurassic World complètement à chier, tandis qu'une large majorité de la population baigne encore dans l'ambiance magique de Jurassic Park. Pourtant, le premier est supérieur, graphiquement parlant, au second.
I-NNO-VA-TION.


Là est la clef du mystère ! Jurassic Park ou l'Exorciste sont venus renouveler les codes du cinéma avec des scénarios inédits ou de nouvelles recettes pour fabriquer la peur. Il était incroyable de voir des dinosaures revenus à la vie au cinéma ou une sale gamine pivoter la tête avec autant d'habileté qu'un hibou.


C'est la même chose pour le Projet Blair Witch.


Ce film a marqué tout une génération d'ado, parce qu'il sonne vrai. Avec un minimum de montage et un minimalisme dans l'horreur. De nos jours, vous entendrez ce genre de discours : "Gnié, y filment des cailloux, c'est nul, pis moi j'ai pas eu peur, jpréfère conjuring et insidious, j'aime trop l'horreur lol."


Déjà, tu te calmes.


Moi aussi, j'aime bien ces deux sagas, mais je vais expliquer pourquoi le Projet Blair Witch est brillant.
Ce qui marche dans ce film, c'est la véracité de ses propos. On a trois jeunes, pas forcément des canons de beauté, habillés chaudement, parce qu'il fait froid et chargés comme des mules qui partent sans grande prétention. Ouais, ils ont un sujet qui les intéressent : un vieux mythe à propos d'une sorcière, mais dont on sait que ce ne sont que des croyance, car le véritable coupable de la disparition des enfants, c'était un psychopathe reclus en forêt. Ils interview des gens, pour donner un semblant de vérité et finissent dans les bois.


Ils ne croient pas non plus au mythe, ils veulent seulement organiser tout ça pour en faire un chouette documentaire. (c'est d'ailleurs ce qui rend la suite si terrible.)


Donc nos trois potes disparaissent entre les arbres. Ils se font des petites blagues, on a une ambiance assez chill et détendue. Puis, peu à peu, on nous sème des indices. Au deuxième jour, Heather dit qu'il y a eu un "cafouillage" la veille, mais qu'ils sont sur la bonne voie. Les deux garçons lui demandent plusieurs fois si elle est sûre d'elle. Mais, petit à petit, le temps s'allonge. Ils devraient être arrivés, mais ne le sont pas. Les estimations de temps et de distance perdent leur sens. Heather finit par ne plus convaincre quiconque (même le spectateur perçoit le doute dans sa voix).


Puis ils entendent des bruits de pas le soir, trouvent des tas de pierres, des statuettes en brindilles autour des tentes. La caméra ne capture rien, pas de silhouettes obscures, de visages, d'empreintes. Rien du tout. Et c'est ça, l'essence même de la terreur : l'ennemi est invisible. Il est insaisissable, partout à la fois.


Cet aspect est dupliqué quand la forêt devient elle aussi leur ennemie, qu'elle les perd au point où ils se retrouvent au même passage que la veille, que le magnétisme de la boussole n'est plus fiable lui non plus.


Ensuite, le désespoir atteint les personnages jusqu'au stade où ils cessent de crier et pleurer, se laissant traîner ça et là, marchant des heures sans but. Ils se racontent leur repas de rêve, délirent. (Le passage où le garçon mange une feuille morte en est très édifiant). Mais on ne voit rien qui puisse assurer l'existence de cette sorcière, dont le film porte le nom tout de même, hormis ces indices. On termine en apothéose avec cette demeure lugubre où ce sont évidemment déroulé des événements terrifiants, pour une fin obscure mais néanmoins tragique.


Voilà. Pour ces raisons, le projet Blair Witch est effrayant, même 20 ans plus tard. On ne voit rien, ce n'est pas toujours très bien cadré, on ne s'appuie que sur des bruits qui suffisent à semer le doute, car même la caméra les retient et elle est un élément par essence objectif. Le spectateur EST la caméra, il n'a pas d'autre choix que de regarder ces bois sombres.


A présent, on peut enfin passer à Blair Witch. Ôtez tout le sens du premier et vous obtenez le second. Il y a quinze mille caméras, dont on ne comprend pas l'intérêt. Le personnage principal convainc ses amis de l'accompagner dans les bois pour retrouver sa sœur (20 ans plus tard... Sérieusement ? ) alors que la police et l'armée n'ont retrouvés que leurs affaires.
Ils se fient au témoignage d'un couple à l'air très louche.


Donc notre joyeuse bande suréquipée s'aventure dans les bois (avec un drone qui ne servira à rien alors qu'il aurait pu être très intéressant). Je me doute bien que ça ne les aurait pas aidé, mais ils auraient pu essayer une méthode supplémentaire pour éviter de se perdre, comme relier une corde à leur voiture, semer des cailloux, des miettes de pain, baliser les arbres ou que sais je. Il y avait mille bonnes idées à exploiter afin de remettre le found footage et le mythe de Blair Witch au goût du jour.


Ils disparaissent les uns après les autres, bien vite désolidarisés par la zizanie ambiante. Zizanie qui advient beaucoup trop tôt selon moi, quand ils ne savent pas encore qu'ils sont perdus. Pendant la seconde moitié du film, on a droit à des hurlements, des courses poursuites, des incohérences. (Comment, la jeune fille blessée arrive t-elle à grimper à un pin quand elle ne pouvait même plus marcher seule ?)


Puis, on finit par une trahison (tragiquement prévisible) de l'un des mecs chelou du départ, retrouvailles entre le héros et l'héroïne (prévisiiiiiible) qui se cachent dans le grenier (brillante idée). Ils regardent dans le coin, comme les enfants tués par la sorcière. Par la fenêtre on distingue une lueur aveuglante, qui rappelle un vaisseau extra terrestre. Les deux meurent comme des bleus, fin du film.


Je l'ai déjà dit, mais avec Blair Witch, on perd le côté authentique du found footage pour une manière de filmer peut être plus belle, mais moins vraisemblable. Les pistes amorcées ne débouchent sur rien : le drone, la maison, ces lumières, les totems...


Les personnages sont inutilement nombreux et donc sans relief. Le héros ne montre à aucun moment de réelles motivations alors qu'il s'agit de sa sœur.
Leur présence dans ces bois est peu crédible tant ils paraissent naïfs en faisant confiance aux deux antagonistes extrêmement louches. Il y a beaucoup de références au premier film qui paraissent forcées : l'arrêt long sur les empreintes dans la maison, les excuses face caméra, les tas de pierre.


Le seul point positif est choix de brouiller le temps : Il fait nuit noire à 7 heures du matin et le soleil ne se lèvent plus, ils se réveillent à 14 heures sans comprendre comment. On a une vraie impression de désorientation. La tempête est elle aussi une bonne idée : elle confère ce chaos à l'ambiance générale, tandis que le temps était très régulier dans le film de 1999.


En dernier lieu, là où le Projet Blair Witch nous laissait sur notre faim :" Sorcière ou pas sorcière ? Qu'est ce qu'il se passe dans ces bois ? Vous ne le saurez pas", Blair Witch nous apporte la réponse en nous montrant la sorcière, pendant un quart de seconde.
Choix peu utile puisqu'il n'en est rien ensuite. On amène de nouvelles intrigues avec cette lumière très étrange, mais sans y répondre à nouveau.


C'est une vraie déception, et pourtant j'ai donné toutes les chances à ce film en le matant dans le noir à une heure du matin. Les remake sont rarement de bonnes idées et ce film n'a fait qu'alourdir la longue liste d'erreurs voulant surfer sur les tendances du passé.

GaellePavloff
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films d'horreur

Créée

le 14 oct. 2018

Critique lue 289 fois

2 j'aime

1 commentaire

GaellePavloff

Écrit par

Critique lue 289 fois

2
1

D'autres avis sur Blair Witch

Blair Witch
Moizi
1

Le retour du roi

Quelle purge... Alors que Blair Witch premier du nom avait quasiment inventé un genre, ici on tombe sur un truc qui n'a même pas l'intelligence d'avoir compris ce qui était bon dans le premier...

le 31 janv. 2017

17 j'aime

1

Blair Witch
GalDelachapelle
6

Blair Witch 2.0

Il y a dix sept ans, « The Project Blair Witch », un petit film de genre au budget minime faisait son apparition et secoua la génération cinéphile avec un argument Marketing plutôt original pour son...

le 30 sept. 2016

12 j'aime

1

Blair Witch
SugaryAshes
5

Blair Witch Activity

Y'a t'il quelque chose de surnaturel dans la foret de Burkitsville? Dans "Le Projet Blair Witch" (1999), la réponse a cette question reste ambigue. Trois étudiants en cinéma, Heather, Joshua et...

le 6 oct. 2016

11 j'aime

1

Du même critique

En eaux troubles
GaellePavloff
3

Les commandes ne répondent plus !

Un dangereux prédateur vorace, fuyez ! Mais peut être que la créature à traquer n'est pas celle que l'on croit. Les producteurs carnassiers sont décidés à vous saisir par les pieds pour vous traîner...

le 23 août 2018

7 j'aime

3

Crawl
GaellePavloff
4

Le pire crime de ce film ? Teindre Kaya Scodelario en blonde.

Lake Placid, Sharknado, Jaws... Autant de noms qui me sont venus à l'esprit en regardant ce film. Hélas, Crawl n'impose pas sa propre identité, se contentant de piquer ça et là quelques idées pour...

le 28 août 2019

4 j'aime

3

La Nonne
GaellePavloff
3

Valak ? Balek !

Bonjour ! On se retrouve encore une fois pour critiquer un film dont on se serait bien passé, issu d'une franchise qui enchaîne les volets pour le fric. Ça annonce la couleur hein ? Rendez vous en...

le 4 déc. 2018

2 j'aime

3