Blancanieves, de l’utopie merveilleuse à l’épouvantable cynisme

C’est que Blanche-Neige, il y en a un peu marre ! Rien qu’en 2012, pas moins de deux adaptations du conte des frères Grimm ont vu le jour dans les salles obscures. Malheureusement pour les amateurs de contes, il vaut certainement mieux se passer de commentaires. Votre serviteur même essaie d’éviter d’en émettre, d’autant plus qu’il ne les a pas vu – grand bien lui en prend très certainement – mais n’en pense pas moins. Il faut dire, entre le Blanche Neige de Tarsem Singh comprenant dans son casting une Julia Roberts en guise de figure de luxe qui semble d’une banalité affligeante et le Blanche Neige Et Le Chasseur de Rupert Sanders qui semble gagner le gros lot en terme de ridicule et de vide intersidéral malgré sa technique carrée comme Hollywood sait si bien le faire, qu’il y a de quoi l’avoir mauvaise. Alors, voir qu’en 2013, le personnage de Blanche Neige fait encore des siennes au cinéma, on se demande bien quelle mouche a pu piquer le monde du cinéma : « Non mais, vous n’en avez pas assez de salir son nom à cette brave damoiselle innocente ? ».

C’est donc avec une méfiance extrême qu’on commence à se pencher sur le cas Blancanieves. Après tout, l’overdose du personnage n’est pas si loin. Mais d’un simple point de vue distributif, cette nouvelle lecture signée de la main de Pablo Berger offre un indice non négligeable sur la qualité de son contenu : ce n’est pas le film-même qui passe dans toutes les grosses crèmeries populaires. En même temps, on les comprend un peu, rien que de voir la nationalité espagnole fait penser que ça n’est pas un bon candidat à la rentabilité. Puis, on se penche encore plus près sur la bestiasse. Donc, selon le réalisateur espagnol, Blanche-Neige ne s’appellerait même pas ainsi mais Carmelina, serait originaire de l’Espagne des années 20, fille de deux figures populaires, l’un torero, l’autre chanteuse et danseuse de flamenco. Malheureusement, cette dernière se sacrifierait pour donner naissance à l’enfant en même temps que son père se retrouverait pris d’un grave accident en plein cœur de la corrida, lui valant un statut de paralysé à vie. S’amourachant ensuite de son infirmière tout en abandonnant son enfant, cette dernière se verrait confiée à sa grand-mère maternelle jusqu’à ce que son cœur fragile la lâche définitivement quelques années plus tard. Et voilà comment la petite Carmelina se retrouverait de nouveau dans le domicile paternel où elle ne tarderait pas à faire connaissance de sa belle-mère, tout autant embourgeoisée qu’elle en était devenue cruelle et odieuse en plus de jouir d’une liberté totale, son tendre mari ne pouvant rien faire d’autre que d’être cloué dans sa chambre en fauteuil roulant sans qu’il ne puisse bouger que ses traits faciaux. C’est ainsi que la jeune fille passerait son enfance à jouer la servante avant de pouvoir voler à l’âge adulte de ses propres ailes, suite à quelques péripéties malheureuses l’ayant rendue amnésique. Une existence sans souvenirs qui l’amèneront ironiquement à poursuivre l’art de la corrida, talent hérité de son père, sans le savoir au sein d’une troupe de nains eux aussi toréadors.

« Mais putain, c’est quoi cette chose ? Il a bouffé des champis ce brave Pablo au moment de l’écriture avant de tourner son film sous acides permanents ? ». En attendant, quelle que soit son niveau de toxicomanie, voilà bien un argument plus que valable pour s’attarder sur son film. Enfin, on pourrait avoir le droit à une lecture audacieuse et personnelle du conte de Blanche-Neige, celle qu’on attendait secrètement afin de mettre les deux adaptations plus récentes entre parenthèses, ne leur octroyant dans son sillage qu’un caractère encore plus mauvais que ce qu’ils semblent être. Mais bon, le pari n’est pas gagné pour autant pour Blancanieves. Pas besoin d’aller très loin dans l’observation : il est clair que ce film ne peut laisser indifférent. Il sera soit détesté, soit adulé de l’assistance et ce, sans demie-mesure. Par chance pour ce cher Pablo, votre serviteur ici présent n’a pas eu l’occasion d’atteindre le stade bâtard, il ne l’a nullement trouvé moyen. Car… [...]

La critique entière figure sur mon Archaic, n'hésitez pas à aller y faire un tour !
Margoth
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le 4 mars 2013

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