Blanche-Niaise

Des jours et des jours que ma fille de 3 ans me bassine avec ce DVD, qui passe et repasse en boucle.
Il fallait donc que je mette à l'épreuve mon regard de cinéphile et me frotte à une analyse objective.

Alors donc, qu'est-ce qu'on a ? Une jolie fille rougissante aux joues rondes qui passe ses journées dans le parc du château à chanter des bluettes d'une voix cristalline. Toute seule ? Non, mademoiselle a plein d'amis. Enfin, surtout des animaux en fait. Elle leur parle, elle leur fait des blagues, ils se marrent bien tous ensemble. Bref, la nana s'emmerde quand même royal. Bon, dès le début, on sent que la clef de voûte va être ce Prince (non nommé d'ailleurs) qui vient renchérir dans les trémolos et lui sert du "mon amour" alors qu'ils se connaissent à peine, des promesses éternelles d'amour idéal que seule une dinde sans expérience peut gober. Faudrait pas se plaindre ensuite que les minettes aient des standards un tout petit peu décalés par rapport à la réalité, hein.

En parallèle, tu as la vilaine marâtre jalouse comme la Peste qui passe sa vie à se mater dans son miroir magique et qui - ô rage ô désespoir de la quinqua narcissique - voit d'un assez mauvais oeil l'éclosion de la beauté de sa belle-fille. La voilà qui un jour la détrône de son titre de plus belle femme du monde et ça la rend gravement furax, on imagine, la pilule ne passe pas. On pourrait se dire, c'est pas grave, t'as qu'à tout miser sur ton intellect, par rapport à Blanche-Niaise, franchement - easy. Mais non, la reine s'obstine et siffle son chasseur préféré en lui confiant une mission d'importance : tuer Blanche-Neige et lui ramener son cœur dans une boîte.

[Hey, les gars, euhhh....Public de gamins ou pas ? Je sais pas, c'est quand même hardcore la thématique du cœur dans la boîte, sans parler de tous les mécanismes psychanalytiques en présence, ça fait lourd pour des gosses qui ne savent rien de la vie, mais enfin c'est un autre débat.]

Donc le chasseur servile suit Blanche-Neige dans l'une de ses cueillettes de fleurettes, tente de la poignarder (ce gros plan sur le couteau quoi...) mais n'en a finalement pas le courage, lui dit de se barrer loin loin loin...Et se rabattra sur un cœur de biche, pour contenter la patronne.

Affolée, Blanche-Neige court dans les bois. On l'imagine désespérée, ne sachant où aller, triste et en proie au désarroi abandonnique le plus total.. Et puis en fait, pas trop. Elle, suffit qu'elle demande aux oiseaux 'Vous faites quoi, vous, quand vous avez pas le moral ?", qu'ils répondent en sifflotant et la voilà repartie à rigoler comme un pinson et à sourire béatement. Trésor de stoïcisme, cette nana en fait, je réalise.

Je SAIS qu'on va me dire "mais attends, ils sont trop mignons les petits animaux" et c'est vrai que le cadre naturel est bien mis en avant, que les bestioles sont choupis, comme les chansons... Mais bon, c'est quand même un peu creux.

Ensuite, donc, les animaux de la forêt la guident vers une petite maison perdue dans la forêt, dans laquelle Blanche-Neige va faire connaissance avec 7 petits énergumènes aux personnalités rigolotes qui se prennent d'affection pour elle. Mais si on réfléchit bien : qu'est-ce qu'ils apprécient le plus chez elle ? Quelle est la première chose qu'elle se met à faire quand elle débarque dans la baraque ?
(Simone de Beauvoir, Virginia Woolf, so long my friends...)

Elle fait le ménage. Elle range. Elle époussette. Elle fait la vaisselle. Puis elle leur dit d'aller se laver. Car c'est bien connu : un mec célibataire ne se lave pas. Il attend que sa nana lui frotte le dos pour se décider à se décrasser. Donc les nains sont marrants hein, mais ce sont surtout une belle petite bande de machos qui kiffe la proximité d'une belle nana qui sait bien récurer et faire la popote.

BON.

Tout serait parfait dans le meilleur des mondes si la reine n'en venait pas à découvrir que nom de dieu, elle n'est toujours pas la plus belle, Blanche-Neige vit encore ! Le chasseur l'a bien eue, avec son coeur de biche, elle n'y a vu que du feu, mais le miroir magique qui sait tout a vendu la mèche....

Sa vengeance sera terrible ! A grands renforts de vieux grimoires et de potions dégueu, la voilà qui se métamorphose en vieille sorcière... Alors là, je pense qu'on tient la plus grande réussite du film : la tronche de la sorcière. J'ai 30 balais et franchement, je la trouve super flippante. Impressionnante pour des enfants, selon moi. Toute en ricanements, en verrues et en yeux globuleux : une vieille sympa.

Vieille qui se pointe donc un après-midi chez Blanche-Niaise - occupée, comme d'hab en l'absence des nains, aux fourneaux - et lui propose de croquer dans une belle pomme rouge empoisonnée (Walt, ça va le pompage du Jardin d'Eden, sinon ?) pour enfin la faire passer de vie à trépas. Et puis alors Blanche-Neige se méfie pas du tout, limite elle la trouve cool, elle la protège même contre les bestioles qui veulent l'attaquer, la gentille petite mamie... (qu'est-ce qu'elle est idiote, quand même..)

La voilà qui croque et qui meurt. Les nains ont tout juste le temps d'arriver mais la sorcière s'échappe et c'est l'orage et elle tombe et voilà. Les nains en deuil allongent Blanche-Neige dans un cercueil qu'ils laissent à l'orée de la forêt, pour que tous les animaux viennent lui rendre un dernier hommage. Pleurs de tout le monde, silence, musique triste.

ET SOUDAIN !

Le Prince arrive. Seul le Mâle, Femme, pourra te donner le salut - semble nous dire ce dessin-animé. D'un bisou, il te sauvera la vie, il te ressuscitera, il donnera un sens, un but à ton existence. Avant lui tu n'étais rien et voilà que maintenant, tu as enfin droit de figurer parmi les citoyens. Enfin, Blanche-Neige aura sans doute surtout le droit de passer la serpillière et de pondre quelques moutards en faisant de la mousse au chocolat, mais enfin c'est épanouissant, ça, desperate housewife.

Allez, on est bien en 2016.