Vaciller sur un cillement (la faute aux bacilles)
La note peut paraître sévère mais j'avais déjà été déçu par le roman de José Saramago, tellement pétri de bonnes idées et de possibilités qu'il en devenait frustrant dans ses choix — en plus de luire d'un étrange vernis d'écrivain gandin qui n'ose pas aller au bout de ses fantasmes, furent-ils de violence ou de lubricité.
Mais l'adaptation par Fernando Meirelles est sublime. La photo surtout, par le même type qui a assuré celle de La Cité de Dieu du même Meirelles, met à genoux. Et je ne parle pas là d'un filtre quelconque appliqué à l'image, comme le font des tâcherons tels Jeunet ou Tony Scott, je parle vraiment de scènes clés qui sont transcendées par une mise en scène raffinée elle-même propulsée en orbite par une mise en lumière démentielle. Pas de doute, ce duo-là sait faire du cinéma.
Reste que, on y revient, le rythme du roman était déjà plutôt lent et son passage sur pellicule alterne lenteurs pour épaissir les personnages et ellipses pour faire avancer l'intrigue suffisamment vite (le film dure déjà deux heures). Du coup, on se tape un film parfois chiant mais qui embraye violemment certains passages essentiels. Jusqu'à se retrouver à la fin, qui peut sembler faire carrément changer de registre au film.
Je comprends les critiques qui fustigent le manque de fond, ou la naïveté, du film. Mais le roman est strictement identique. Il ne parvient pas, à mon sens, à susciter le moindre vertige face aux questions qu'il entend soulever sur l'humanité, ses luttes de pouvoir dans le chaos, la perception sensorielle des choses et tout le toutim.
Celui qui a aimé le roman adorera le film. Il doit s'agir là du plus beau compliment qu'on puisse lui faire.