Contre le mauvais adversaire, prends au moins la bonne arme
"Blitz", polar londonien pas dénué de potentiel, mais dont la tête d'affiche, l'inexpressif Jason Statham, laissait présager, au mieux, un personnage borné à une déferlante de testostérone écervelée, au pire, la contagion de ce grand vide à l'ensemble du film.
Ainsi donc Statham enfile-t-il le costume usé, rapiécé, raccommodé, exténué du flic au bout du rouleau et aux méthodes discutables: motif infatigable du cinéma policier, bien qu'avant tout issu de la littérature dont il découle. Il est parfois agaçant de voir avec quelle fatalité la construction d'un personnage de policier opte volontiers pour un modèle aussi mythologique, saturé de références, quand elle pourrait développer une infinité d'autres pistes. De surcroît, l'habit sied a priori bien mal à la figure actorielle développée par le passif de Statham. Bref, une entrée en matière bien délicate pour "Blitz", qui tire une double mauvaise pioche entre un motif réchauffé jusqu'à l'écœurement et un comédien qui peine à l'assumer.
C'est dans l'arrière-plan du tableau qu'Elliott Lester tire son épingle du jeu. Le casting présente en effet une poignée d'à-côtés savoureux: un tueur en série peu à peu moins prévisible qu'il semblait être dans le rôle du fou incontrôlable, une jeune officière issue des bas quartiers, qui fait face à un certain complexe quant à sa légitimité à passer de l'autre côté et surtout un lieutenant gay qui doit compter avec la population toute en tolérance d'un commissariat de l'East End. Le film de Lester est peuplé d'étranges surprises qui teintent d'humanité ce produit d'apparence plutôt typée cinéma de genre.
Les meurtres de flics sont plutôt soft et simplistes, mais c'est un thriller regardable. Le plus ennuyeux c'est "le suivi de la vie" de l'agent Falls, ça coupe le rythme et surtout c'est complètement inutile car ça n'apporte absolument rien sur ce qui se passe avec Blitz, au final on se dit que c'est là comme bouche trou pour permettre au film de durer plus d'1h30. Dommage aussi que la personalité du tueur n'ait pas été davantage développée.
La cavalcade du tueur et de ses poursuivants s'avère étonnamment vivante, prenant à revers quelques habitudes de narration, choix gratifié d'un suspense authentique. Même s'il cède parfois à quelques automatismes probablement résiduels de la carrière de publicitaire du réalisateur, "Blitz" maintient peu ou prou le ton et s'en tire assez honorablement.