Si vous avez déjà vu un film coréen dans votre vie et que vous n'avez pas été perturbé par leur jeu d'acteur particulier (on adore ou on déteste), vous avez normalement été ébahis par la photographie soignée, par les belles musiques (quand il y en a) et le plus souvent par la noirceur ambiante (il y a des exceptions comme My Sassy Girl). Les coréens n'ont guère de tabous dans la violence, mais ils ont en revanche du mal à être mis face à leur machisme. C'est ce qui rend des films comme Blood Island d'autant plus précieux, même si cela passe par des partis pris qui m'ont laissé de côté.


Blood Island nous montre le quotidien d'une jeune femme vivant dans une île fort rurale où les mentalités sont restées celles du Moyen Age : l'Homme mérite le respect, la Femme est son esclave et les Anciennes font respecter la tradition, bien à l'abri dans leur trou paumé que personne ne vient fouiller. Le film nous rend ainsi témoin d'un machisme rendu un brin exagéré par son cadre, mais pas tant que ça au vu des mentalités que semblent avoir les coréens (à vérifier) ou même nous français. Cette critique sociale se montre très acerbe, d'autant plus avec cette comparaison entre cette île qu'on croirait déserte et l'ambiance d'une Séoul fantasmée par cette femme, humiliée, qui cherche un monde meilleur. Quand vous associez ça à la photographie qui met en valeur le Soleil de plomb, vous obtenez une œuvre qui ne manque pas d'attraits.


Mais si on dit souvent de tel film qu'il dresse un portrait, j'aurai ici apprécié qu'il ne fasse pas que ça. Tout le 2e acte ne fait finalement qu'une seule chose : montrer l'enfer que vit l'insulaire féminine. C'est un bon personnage qui a notre empathie, on souffre effectivement avec elle, le film est réussi de ce côté. Mais je n'ai pas réellement noté de progression au sein de cette partie. Il y a bien des mini évènements, mais ils servent surtout à apporter de la surenchère dans l'ignominie. J'arrive à me contenter de ce genre de successions de tranches de vie dans certains films, mais ici c'est entièrement dédié à montrer de l'horreur. Et moi je n'aime pas trop ce genre de porn là, même si c'est fait avec une certaine justesse. Au bout d'un moment je me disais "C'est bon, j'ai compris que c'est la merde. Maintenant faut passer au 3e acte, qu'on change un peu".


Avec cette affiche et ce titre, vous deviez quand même plus vous attendre à un gros slasher qui tache qu'à un drame social. En cours de route, vous deviez donc avoir deviné le tournant que ça allait prendre. Comme je savais que ça allait arriver, je l'attendais et ça a d'autant plus nuit à la fin du 2e acte. Puisque je sais où ça va se finir, inutile pour moi de me rajouter du rab avec la fille battue. C'est là qu'on voit à quel point il est primordial de regarder un film sans connaître ses nœuds scénaristiques, sinon on finit par avoir envie d'y arriver au plus vite. Mauvais état d'esprit de ma part, mais avec cette jaquette et cette réputation, il m'était impossible de voir le film avec l'esprit vierge de toute attente. Pourtant il tenait toutes ses promesses, c'est irréprochable. Ah là là, que la vie est injuste.


Virage slasher donc. Eh ben en soit il fonctionne. Simplement ce virage là ne permet plus réellement de profiter de la critique sociale (cette dernière est déjà faite) et se contente de slasher à tout va. Alors c'est bien réalisé, certains codes réutilisés se montrent d'ailleurs assez amusant tant il est peu commun de les voir associés à ce genre de personnages. Mais allez savoir pourquoi, peut-être parce que cet acte s'est fait attendre pour moi, je n'y ais pas ressenti toute l'intensité que j'espérai. La lenteur (relative) affichée m'a donnée l'impression d'un simple abattage, alors que ce serait mentir que de dire qu'il n'y a que ça. Mais alors c'est quoi exactement le problème ?
...
La construction du 2e acte qui ne me convient pas. Et flûte. Je ne peux même pas qualifier ça de défaut objectif, je ne peux même pas tailler le film sur son scénario qui n'est pas une tare. Tant pis, je resterai l'un des rares à ne pas avoir été happé par ce mélange des genres. Ça n'empêche pas le film de se montrer assez pertinent et relativement intéressant.

thetchaff
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le 27 août 2015

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