Découverte très sympathique que la première réalisation de Paul Schrader, cinéaste que l'on connaît beaucoup pour ses scénarios pour Scorsese ou De Palma et auteur d'un œuvre étrange, entre fascination pour la contre culture et relents conservateurs hérités de ses origines calvinistes. Dans Blue Collar, on suit trois ouvriers de l'automobile qui vont tenter de faire bouger les choses à leur modeste niveau face à la corruption et l'inefficacité du syndicat. Mais, ils vont vite découvrir que l'on ne plaisante pas avec ces gens-là et le film montre comment ils vont tenter de se dépêtrer de la situation dans laquelle ils se sont embourbé eux-même. Certains décideront de résister tandis que d'autres collaboreront pour devenir les successeurs de ceux qu'ils fustigeaient hier.

Film complexe, refusant les compromis et les facilités idéologiques (ce qui lui vaudra d'être accusé d'être un film réactionnaire, à une époque où l'on ne pouvait concevoir qu'un syndicat, sensé protéger les petits, puisse être corrompu et pactiser avec les forts), Blue Collar s'inscrit parfaitement dans le mouvement du Nouvel Hollywood qui connaît alors ses derniers feux. Restituant avec précision le quotidien des milieux sociaux travailleurs qui tentent de trouver une voie pour améliorer leur condition, le film a un aspect documentaire très marqué dans la reconstitution du quotidien de cette usine de voiture.

Mais, n'oubliant pas sa volonté d'offrir un divertissement de qualité, le scénario sait se montrer captivant en nous rendant immédiatement sympathique ces trois bras cassés plein de bonne volonté (campés par les excellents Harvey Keitel, Richard Pryor et Yaphet Kotto) et grâce à la mise en scène inspirée de Schrader, dont on retient deux scènes haletantes : celle avec Yaphet Kotto pris au piège et la course poursuite nocturne finale.

Profondément nihiliste dans son constat d'une organisation du travail corrompue et sclérosée ou rien ne change et ou chacun est prêt à écraser son prochain pour tenter de s'élever un minimum et où les conflits sociaux sont orchestrés par les patrons et syndicats pour conserver leur place dominante. Un film très surprenant donc, à la limite du socialisme et à réhabiliter dans le cinéma US des années 70.
ValM
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le 13 oct. 2014

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