Woody Allen aime l’Europe, il y a beaucoup voyagé ces dernières années. Avec Blue Jasmine, il signe un retour aux sources. Fini le faste de l’Italie, la magie de Paris… Woody rentre à la maison, et ça se sent !

Jeannette...enfin Jasmine French, une bourgeoise new-yorkaise opportuniste, se retrouve à la rue à cause des affaires frauduleuses de son mari. Elle se réfugie donc chez sa demi-soeur Ginger, caissière dans un supermarché de San Francisco, avec qui elle ne semble avoir que peu d’affinité. On a rarement vu des sœurs si différentes. En même temps leur statut de "sœurs" ne leur est attribué que pour avoir vécu sous le même toit. Jasmine qui pensait avoir réussi sa vie comme personne, se retrouve propulsée dans les quartiers populaires de San Francisco. Obligée de retourner à une vie simple et monotone, elle tente de se reconstruire et accepte un petit boulot dans un cabinet de dentiste.

Le film se veut une fable contemporaine de l’Amérique avec une intrigue évoquant à demi-mots le “scandale Bernard Madoff”.

Jasmine (l’Amérique) est en crise morale et financière.

A l’instar de Long voyage vers la nuit et Un tramway nommé désir (deux pièces de théâtre adaptées au cinéma), le dernier film de Woody Allen dresse le portrait d’une femme d’âge mûr qui bascule dans la folie.

Aussi, l’un des intérêts du film réside dans le jeu tout en finesse de ses acteurs. Cate Blanchett nous prouve une fois encore qu’elle est une très grande actrice, évoluant durant 98 minutes dans un rôle tout en nuances. Le travail apporté aux expressions de son visage est remarquable. Jamais manichéen, son personnage manifeste toute la complexité de la nature humaine. Subtil glissement intérieur qui s’opère vers sa propre folie, son propre mensonge.

Car l’oeuvre de Woody Allen ne porte-t-elle pas à réfléchir sur nos lâchetés du quotidien ?

Ce personnage à la fois englué dans sa lâcheté et emprunt de romantisme, rappelle l’Emma Bovary de Flaubert. Personnalité paradoxale, Jasmine nous agace autant qu’elle nous émeut dans sa détresse.

Retrouvailles heureuses entre Baldwin et le réalisateur : souvenez-vous de la première apparition d’Alec Baldwin, il y a 20 ans dans Alice avec Mia Farrow…

L’an dernier il était à l’affiche de To Rome with Love. Le revoilà dans Blue Jasmine pour leur troisième collaboration. Woody Allen donne à l’acteur un statut à contre emploi : à cet acteur à la carrure imposante il décerne des rôles sans épaisseur, ceux d'une sorte de spectre flottant au dessus de l’action. Quelle délicieuse idée d’utiliser un acteur de cette envergure et de ne le faire jouer qu’en contre-point ! Comme une sorte de fantôme…

Décidément, Woody Allen nous séduit. L’histoire, les relations entre les personnages, le jeu des acteurs, la force des dialogues, à la fois simples et vrais, sont un régal ! On ne peut que conseiller de se rendre dans le cinéma le plus proche pour savourer ce Blue Jasmine en attendant le suivant...l'année prochaine...
cinephilanonym
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le 27 sept. 2014

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