BLEU COMME L'ENFER

Rien ne me disposait à m'intéresser au film "Blue Ruin"...
Je n'ai jamais entendu parler du réalisateur Jeremy Saulnier; je n'ai rien vu ni lu quoi que ce soit concernant son film (trailer,critiques,avis etc.) et surtout, l'approbation
" UNE MERVEILLE" signé les inrocks sur le dvd, me laissait présager le pire. De plus, je me rend compte (en écrivant ces lignes) que je n'ai même pas lu le résumé.
Cependant, un détail attira mon attention. L'affiche du film me rappelait curieusement le dernier plan d'un de mes films préférés, "Hitcher" avec Rutger Hauer. Ce simple détail, me décida a visionner le film, tout en me faisant espérer une thématique parallèle. Ce ne fut pas le cas...mais quelle découverte !!

Pour l'histoire, elle se concentre sur le personnage principal de Dwight Evans. Un quidam moyen devenu sdf, traumatisé par le meurtre de ses parents. Une policière connaissant son cas, vient lui annoncer la mise en liberté du meurtrier. Suite à cette information, Dwight mû par le chagrin et la frustration, décide de mettre à exécution sa vengeance... Le seul problème, c'est qu'il n'a aucune expérience dans le domaine.

A ces lignes, le sujet peut paraitre basique voir désuet, pour certains. Du "déjà vu" diront d'autres. Mais en ce qui me concerne, le résultat est tout simplement impressionnant de professionnalisme!!
Les premiers plans du films, annoncent la couleur. Nous ne sommes pas en présence d'un amateur. Jeremy Saulnier sait exactement où placer sa caméra et étant son propre directeur photo, on est subjugué par les jeux clairs-obscurs de ses éclairages et le choix des tonalités qui donne une ambiance personnel, une identité à son film.
Les acteurs sont absolument concrets. Notamment, Macon Blair dans le rôle principal qui apporte une tristesse tangible et une sensibilité subtile a son personnage.

Mais mon admiration se porte surtout sur les parties pris du réalisateur. Notamment dans le traitement du sujet.
Ses personnages sont des gens absolument normaux, voir banales. Aucune trace de manichéisme. Des gens simples avec leurs raisons. Le personnage principale n'est pas un héros, loin de là. C'est un homme meurtri qui dans le chaos de sa vie, a enfin trouver un but, une raison de vivre.
Quand aux choix des acteurs, on est bien loin des canons de la beauté Hollywoodienne. Ce qui donne un réalisme au film et qui nous permet de nous identifier beaucoup plus aux personnages.

Pour conclure, je dirais que "Blue Ruin" est un western moderne a classer entre "A History Of Violence" de David Cronenberg, "Shotgun Stories" de Jeff Nichols et " Bellflower" de Evan Glodell. Mais le film de Jeremy Saulnier va beaucoup plus loin dans le traitement de sa thématique et son introspection du traumatisme et des dégats collatéraux. Introspection qui n'est pas sans rappeler le film australien (beaucoup pus dérangeant et glaçant) "Snowtown" du talentueux Justin Kurzel. Un autre cinéaste à suivre.
J'ajouterais que "Blue Ruin" est un constat glaciale et effrayant, une spirale sans fin où s'entremêle l'Amérique, sa passion morbide et obsessive pour les armes à feux, le cercle familiale et bien entendu...la vengeance expéditive.
Une spirale qui entraine tous les protagonistes et le spectateur, vers le point de non retour.