Dans son album L’Origine, Benjamin Biolay, avec sa chanson Brandt Rhapsodie, sonde la dislocation du couple usé par la routine et le passage du temps. On pense beaucoup à cette chanson du désamour en découvrant Blue Valentine de Derek Cianfrance. Le thème de l’usure et de la désillusion demeure une des principales sources d’inspiration des auteurs. C’est donc davantage la forme – la manière dont est traité le sujet – que le fond qui doit ici retenir l’attention. Le film vaut principalement par le jeu et le charme de ses deux interprètes principaux : Michelle Williams et Ryan Gosling et les allers-retours incessants entre hier et aujourd’hui, entre l’espoir de la nouveauté avec ses potentialités de réussite et le constat amer et désespéré de l’échec.

En effet, c’est bien le drame de l’incommunicabilité, conduisant à l’érosion qui sape et anéantit le plus beau et le meilleur pour le transformer en petitesse et mesquinerie, qui intéresse le réalisateur américain qui signe là son deuxième long-métrage de fiction, après avoir dressé le portrait de différents musiciens. L’approche documentaire et le penchant pour la musique se retrouvent dans la mise en scène de Blue Valentine. Ainsi le film prend-il souvent place dans des lieux réels comme une maison de retraite et une clinique (pour une scène dramatiquement intense d’avortement). Le motif de l’opposition est également repris tout au long du film : celui criant de vérité entre les premiers moments de la rencontre et de la séduction et les derniers instants d’une rupture aussi déchirante qu’inéluctable, mais aussi les différences de perception et d’attente entre un homme et une femme, soulignées par l’utilisation alternée entre lumière et obscurité. La notion d’enfermement et d’asphyxie s’impose progressivement au spectateur, encore renforcée par le séjour pour une nuit de réconciliation dans une chambre d’hôtel particulièrement glauque et claustrophobe.

Avec l’emploi de deux comédiens tendance (on a vu Michelle Williams dans Wendy et Lucy et elle est actuellement à l’affiche de La Dernière Piste, tandis que Ryan Gosling multiplie les rôles de dépressif alcoolique torturé exerçant son activité de chanteur et de guitariste), Blue Valentine possède indéniablement un côté branché, lorgnant vers le cinéma indépendant américain dans son filmage saccadé et trépidant à l’image granuleuse et sale. Cette esthétique paraît cependant convenue, devenue marque de fabrique d’une génération de jeunes artistes formatés « Festival Sundance ». On peut aussi reprocher au film d’être terriblement bavard et explicatif, ne nous épargnant aucun détail de la déchéance physique et morale du couple.

Au final, Blue Valentine est un petit film sympathique et touchant à l’aune de ses deux interprètes. Mais rien de bien nouveau ni de transcendant dans cette observation trop démonstrative et truffée de clins d’œil « air du temps ».
PatrickBraganti
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le 28 mars 2013

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