Intéressant, à défaut d’être du même niveau que les versions de 56 et 78

Après Don Siegel en 1956 et Philip Kaufman en 1978, c’est au tour de Abel Ferrara de se lancer dans sa version de L’Invasion des Profanateurs de Sépultures. Alors, troisième version inutile ou pas ? Inutile, absolument pas. Du même niveau que les deux premières versions, non plus. Mais il y a beaucoup de bonnes choses dans cette version faite par un réalisateur souvent sans concessions. Entouré de son équipe habituelle (Joe Delia à la musique, Nicholas St John finalise le scénario), il se base sut un scénario du duo Stuart Gordon et Dennis Paoli (Re-Animator, Dolls, Castle Freak) d’après un synopsis de Larry Cohen (Maniac Cop). Que de bons noms du cinéma de genre. Ce qui donnera un métrage forcément très différent des deux premières versions, et surtout parsemé de bonnes idées. Ainsi, premier point, l’histoire ne raconte pas l’invasion progressive d’une ville Amérique par des extraterrestres, mais l’invasion d’une caserne militaire. Choix plus qu’intéressant, puisque les militaires ne sont pas réputés pour devoir faire du bon sentiment, voir avoir des sentiments. Et comme les répliques des humains par les aliens n’ont pas de sentiments, la frontière entre l’humain et l’envahisseur se fait encore plus maigre qu’autrefois. Premier bon point donc pour le métrage. Mais la direction prise par Abel Ferrara est également très différente au niveau de ses personnages, puisqu’ici, après le docteur de la version de Siegel et nos scientifiques/chercheurs de la version de Kaufman, nous suivons une famille Américaine normale, donc le père est scientifique. Il y a la belle mère, et les deux enfants, la fille ado un peu rebelle et le petit garçon.


Et quand on connaît bien Abel Ferrara, on se doute que ce n’est absolument pas pour utiliser le cliché de la famille Américaine heureuse et nous donner une belle morale à la fin de son métrage, loin de là. Ici, Ferrara nous parle bel et bien de la destruction lente de la famille et de son noyau, à commencer par la mère, puis le père, avant d’achever le spectateur dans ses derniers moments avec un passage osé (mais doté d’un effet raté, dommage) qui a du faire grincer des dents la Warner. Car si la toute fin, assez fantasmée dans son imagerie, peu paraître trop simple (avant une dernière image flippante), Ferrara aime détruire ce qu’il a construit. Il détruit l’essence de ses personnages, comme il le fit juste avant dans Bad Lieutenant. Le fond est donc finalement bien différent des films originaux tout en gardant les moments clés, comme la paranoïa, la tentative de duplication des héros, la fuite, le cri des envahisseurs. Dans la forme, Abel Ferrara fait également du beau boulot. Son film est certes filmé assez simplement, mais fait mouche la plupart du temps. Car oui, Body Snatchers n’est pas parfait, surtout dans sa première partie, sans doute un poil trop lente pour une histoire que l’on connaît déjà en parti.


Il ne parvient pas à instaurer une tension comme Kaufman ou Siegel dans sa première partie, et au-delà de la famille qu’il nous invite à suivre, ses autres personnages ne sont pas assez développés pour intéresser. Dommage, car il y avait sûrement beaucoup à faire avec le chef du département de la santé joué par Forrest Whitaker, qui malheureusement est très sous exploité (au bas mot, deux ou trois scènes). Il distille pourtant quelques moments assez surprenants et inquiétants dans cette première partie, comme lorsque le petit de la famille se retrouve à l’école face à d’autres élèves déjà « contaminés » qui, doués d’un esprit collectif, font tous le même dessin au cours d’art plastique. Une scène qui rappelle d’un certain côté Le Village des Damnés. Ferrara semble plus à l’aise dans sa seconde partie, bien plus visuelle, où nos personnages prennent la fuite et où la famille se détruit, aidé par des effets visuels souvent convaincants (l’échange des corps, la scène de l’hôpital). Body Snatchers est donc une nouvelle version intéressante, certes moins passionnante et maîtrisée, mais différente, intéressante, et avec de beaux morceaux de choix. Loin, très loin même du carnage de la dernière version de 2007.

Rick_D__Jacquet
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le 25 avr. 2016

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Rick Jacquet

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