L’éternel tracas des biopics réside dans la véracité des faits et la mise en scène afin qu’un sentiment opère. Cependant, il arrive que le divertissement prenne le pas sur ces principes et le support musical aide néanmoins à dissiper ces vilains défauts qu’ont les scénaristes, à vouloir trop en mettre. L’hommage en soi est un exploit, car ce film se met au goût du jour, où les mœurs suivent les traces de la tolérance. C’est pourquoi le chanteur vedette britannique sera au cœur d’un débat, qui suscite bien notre curiosité avant que l’ensemble ne devienne stérile pour l’amour de la musique. Mais qu’est-ce donc cet amour justement ? Composer demande des sentiments, demande une poésie, demande une rigueur même dans les excès ou les tensions. Or, le film propose peu de ces éléments, qui sont majoritairement survolés afin de narrer un discours libérateur pour un personnage atypique. Mais la barrière de la fidélité domine tout ce qui touchera de près ou de loin aux personnalités du groupe et de son ascension dans la culture rock.


Farrokh Bulsara, dorénavant connu sous le nom de Freddie Mercury, est une figure emblématique du groupe Queen, né par hasard, mais qui ne démérite pas les éloges à son égard. Nombreux connaissent les faits sur la vie de cet homme hédoniste et porteur de secrets extravagants. De plus, trouver l’interprète qui lui rendrait justice n’est pas une chose aisée, et plusieurs profils furent soutenus avant de se rabattre sur un aspect plus expressif, à défaut d’hériter d’une grande ressemblance. Rami Malek possède toutefois cette énergie qu’aurait eue la star sur scène, comme en-dehors. Une vie de débauche, mais qui n’est pas toujours perceptible à l’écran, en raison d’une marge grand public compréhensible. Le but de l’hommage est également de faire découvrir aux nouvelles générations en quoi Queen a radicalement changé les choses, malgré la décadence des compositions. Mais voilà ce qu’est être un artiste. Se mettre au diapason pour son public, mais pour son groupe également, il existe de nombreuses raisons qui poussent chacun à se surpasser, mais Mercury avait une hargne qui le poussait à vivre et à le faire à fond.


Malheureusement, le récit fait l’impasse sur énormément de détails, faute d’un montage cisaillé à la truelle. Cela pourrait être appréciable dans la mesure où le lyrisme puisse s’installer, mais que nenni. Sans originalité dans la structure narrative, le scénario prend des libertés qui détournent de véritables faits afin de condenser la période de doute chez le chanteur. De la création du groupe à la composition des grands morceaux, intouchables de nos jours, il y a presque l’émotion qui s’envole dans l’écoute. Ce qui est important de transmettre, se heurte aux limites d’un biopic qui ressasse sans arrêt les mêmes linéarités, sans jamais nuancer ce qui touche de près ou de loin la psyché du personnage. Par ailleurs, il y aura peu à dire sur les autres membres du groupe, à savoir Brian May (Gwilym Lee), Roger Taylor (Ben Hardy) et John Deacon (Joseph Mazzello), qui soutienne plus ou moins le projet avec les informations qu’ils possèdent, mais où sont réellement les enjeux dans la démarche des producteurs ? Le groupe y perd la flamme et les étincelles qui ont fait vibrer toute une génération qui s’est éveillée avec eux. Cela est bien dommage d’en arriver à discerner le caractère monotone d’un film qui ne prend plus la peine de sonder l’homosexualité et le dévergondage d’un artiste à bout de souffle.


En somme, « Bohemian Rhapsody » ne dépasse pas la frontière de la radio, là où l’excès, la dérision et les ambitions doivent impérativement retranscrire leur succès. Faute à une production et une réalisation malmenée par un projet, où Bryan Singer s’est vu écarté ? Pas seulement. Le film reste bancal à de nombreux niveaux et passe à côté de son registre, modernisé pour l spectateur lambda, trop capricieux pour en comprendre les subtilités. Le constat est bien triste sur les résultats et les attentes. La genèse du célèbre morceau audacieux n’est pas révélée et ne sert que d’amorce à un récit qui piétine sur ses bases. Il faudra tout de même reconnaître qu’on a employé les grands moyens pour finir sur une bonne note de mise en scène au Live Aid, ce qui n’est pas pour nous déplaire, ceci même un arrière-goût amer nous reste sur le refrain.

Cinememories
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le 27 janv. 2019

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