Boîte noire est un grand thriller hitchcockien, tenant le spectateur en haleine du début à la fin. Yann Gozlan met en scène Pierre Niney dans le rôle d’un enquêteur qui travaille sur un crash aérien sans précédent. Acte terroriste ? Défaillance technique ? Erreur humaine ? Ce sont les questions que viendront soulever le scénario de Nicolas Bouvet-Levrard, Yann Gozlan et Jérémie Guez.


Un homme idéal était la première collaboration entre Yann Gozlan et Pierre Niney. Ensemble, ils avaient déjà montré leur excellence, leur justesse et leur maîtrise du thriller, que ce soit dans leur réalisation ou leur interprétation.


Dès son ouverture, le film s’impose techniquement avec un plan séquence en travelling arrière dévoilant les dernières minutes du crash dont il sera question dans le film. En un plan, Yann Gozlan donne le ton de son film. En effet, on constate une certaine froideur à l'égard des personnages et de l’univers, un refus d’empathie à bien des égards, pour se concentrer uniquement sur l’enquête que mènera Mathieu Vasseur, incarné par Pierre Niney. La scène transitionne ensuite en cut via un gros plan sur l’oreille du personnage, son outil de travail et un motif (l’ouï) qui sera redondant au cours du film.


Le personnage est présenté comme un technicien du son qui a pour mission d’analyser les boîtes noires des appareils accidentés. On devine alors très rapidement un travail de recherche assez poussé et une intention très forte des auteurs de mettre en avant ce travail d’analyse et de technique d'ingénieur du son. Les personnages exaltent des termes techniques relatifs au traitement du son, à la mécanique des appareils… Les logiciels de traitement du son aux courbes orangées meublent les écrans et absorbent les personnages… Yann Gozlan nous présente l’univers de son film, qui donne alors un ton très “premier degré” à l’exposition. On pourrait même hésiter entre le fait d’exalter la technique, ou plutôt la déblatérer. En effet, le film peut sembler légèrement prétentieux et très pointilleux dans ce qu’il souhaite expliquer. Il peut alors être difficile au spectateur non-technicien de rentrer dans le film et de s’attacher au personnage, qui n’est défini quasi uniquement par son travail. Heureusement, le film arrive fortement à se rattraper lorsque l’intrigue commence et que le film nous entraîne dans l’enquête.


Boite noire est un excellent thriller psychologique. On découvre une intrigue extrêmement complexe et riche en rebondissements, avec des pay-off discrets et intéressants. Le film se fait également un malin plaisir à contredire quasi systématiquement les hypothèses de l’enquêteur. L’empathie, absente durant l’exposition, s’installera au fur et à mesure que le film avance. En effet, Mathieu Vasseur échoue à maintes reprises dans son enquête, le doute s’installe alors. Réalité fantasmée ? Pure folie ? Manque de compétence ? Pierre Niney traverse alors une palette de jeu impressionnante d’un personnage à la limite de la folie, convaincu par sa propre vérité. Le spectateur et les personnages remettent alors en doute en permanence les théories du héros, le tout appuyé par une mise en image et une mise en scène à l’image de son héros.


En effet, le réalisateur nous fait adopter le point-de-vu de l’enquêteur. Cela se traduit notamment par une caméra en accord avec les déplacements du personnage. Fluide à certains instants, en mouvement avec Pierre-Niney qui progresse dans son enquête, complètement folle et tournoyante lorsque le personnage est au bord d’une crise de nerf. Yann Gozlan arrive plutôt assez brillamment à traduire les états d’âme du personnage par des mécaniques relativement simples mais efficaces. On remarque une intention particulière au traitement du son, diégétique et extradiégétique, qui devient également un outil narratif et un outil de mise en scène. Le film développe une véritable iconographie sur l’ouï : les oreilles, les casques, les écouteurs sans fil, qui font partie intégrale du costume de Pierre-Niney et de son personnage. On découvre un personnage en profond décalage avec le monde qui l’entoure, dont le seul refuge se fait par des outils acoustiques. Dès lors, le film alterne avec un mélange de longue focale et très faible profondeur de champ et brouhaha sonore intenable ; et un silence total et rassurant lorsque Pierre-Niney s’isole grâce à ses écouteurs sans fil afin de se recentrer. C’est dans ce genre de détail que le film se veut ludique et amusant, avec une iconographie au service de la mise en scène, à savoir : le son.


Le film n’est pas s’en rappeler un de ses confrères récent, Le chant du loup, réalisé par Antonin Baudry avec François Civil. Tandis que l’un nous immerge sous l’eau, l’autre nous propose une enquête aérienne. On y retrouve une tension permanente et un véritable questionnement au sujet de la vérité. Le film n’est pas sans rappeler des thriller signé par le maître du suspense, Alfred Hitchcock, avec notamment un climax simpliste sur la forme, et pourtant à couper le souffle dans son exécution. Les choix de focales et de mouvement de caméra sont toujours faits avec intelligence, isolant parfois Pierre-Niney en bord cadre tandis qu’une menace arrive au loin dans la profondeur de champ… On retient également un montage millimétré avec des coupes et respirations extrêmement bien placées, laissant les acteurs, la caméra, suspens et finalement, le film.


Boîte noire est un film brillant. Complexe à souhait, il mérite pourtant qu’on lui accorde ses deux heures de visionnage afin d’assister à cette enquête infernale que va devoir traverser Pierre-Niney. Le film est glaçant a plusieurs degrés de lecture, pour son scénario, sa dramaturgie, mais aussi par sa technique, sa mise en image, son traitement sonore ou encore sa musique originale, signée Philippe Rombi (qui n’est pas non plus sans rappeler une certaine vibe Hitckokerienne).

gaetanjeanson
9
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le 12 sept. 2021

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gaetanjeanson

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