La recherche du spectaculaire, d’abord cantonnée à un suspense essentiellement sonore, fait des pistes audio d’enregistrements, des directives délivrées par la hiérarchie, des interrogations pressantes formulées par les journalistes, finit par obséder Boîte Noire jusqu’à enrayer sa mécanique et perdre de vue l’intensité véritable non de son sujet mais de son milieu et de son atmosphère. Dit autrement, il commence par aborder le thriller par le prisme des sens, rappelant au passage les polars sensoriels tels que Perfume: The Story of a Murderer (Tom Tykwer, 2006) pour l’odorat ou Le Chant du loup (Antonin Baudry, 2019) pour l’ouïe, avant de retrouver les chemins balisés du film paranoïaque lambda. Nous aurions aimé un parti pris artistique plus radical – pensons au danois Den Skyldige de Gustav Möller, sorti en 2018 – et non une déclinaison offerte à l’une des précédentes réalisations de Yann Gozlan, mettant en vedette le même Pierre Niney, Un Homme idéal (2015).
Pour autant, il serait hypocrite de bouder le plaisir certain pris devant Boîte Noire : fluidité d’une mise en scène forte d’idées plutôt ingénieuses – le plan-séquence inaugural s’avère excellent –, partition musicale anxiogène signée Philippe Rombi, bonne prestation d’acteurs, quoiqu’ils exagèrent quelque peu la gravité et semblent cantonnés à des dialogues ronflants destinés à alimenter publicités et bande-annonce. C’est surtout un climat d’hyper-surveillance que nous conservons après visionnage : caméras partout, écrans, enregistrements audio par boîtes noires ou conversations téléphoniques, vidéos partagées sur les réseaux sociaux... Le film convertit alors en ambiance futuriste cauchemardesque et désincarnée la thématique de l’intelligence artificielle et du remplacement des pilotes humains par des machines.