D'accord, Depardieu - tout simplement "Gérard", dans le film - est rond comme une pomme, tellement que tous ne peuvent s'empêcher de mordre dans sa bonté à pleines dents, entamant le petit capital qu'il s'est constitué à force d'années de labeur en tant qu'employé dans le garage de sa femme ; entamant son honnêteté en le compromettant dans des histoires de trafic par go-fast ; abusant de son temps et de son énergie en le réquisitionnant pour diverses tâches, plus ou moins subalternes...


D'accord, Barbara (Catherine Deneuve) est "ronde" plus souvent qu'à son tour, mais, en ce qui la concerne, ce sont les calories alcooliques qui, constituant son unique nourriture, provoquent cet état. Côté tempérament - lui aussi assez trempé... -, elle serait plutôt carrée, voire rugueuse, endettée jusqu'au trognon mais considérant ses créanciers comme décidément "bien pressés" lorsqu'ils osent se faire pressants.


Il n'empêche que, de toute cette rondeur, plus ou moins imbibée, vont jaillir des étincelles, lorsque les deux êtres qui en sont porteurs se verront mis au contact l'un de l'autre. Deux âmes perdues, cherchant à garder l'équilibre au sortir d'un couple qui les a malmenés.


Placé sous la protection bienveillante de George Sand (l'hôtel que tient Barbara a nom "Hôtel de la Fadette" et sa propriétaire propose à des convives une entrée conçue selon une recette de l'auteur), Florence Quentin ne craint pas de recourir à ce qu'il est convenu d'appeler "les bons sentiments" : l'inquiétude, la tendresse pour autrui, le désir de le secourir, le dévouement... Mais les deux monstres sacrés du cinéma français leur donnent vie avec tant d'élégance, avec un plaisir si criant à jouer ensemble et à échanger des répliques malicieuses, que le spectateur, bon public, se laisse charmer par la générosité de cette histoire de sauvetage, finalement mutuel.


Un voisin garagiste, sa volatile compagne et quelques personnages secondaires bien croqués poivrent le tout de quelques grains de rire, afin que le fruit ne soit pas fade. Au sortir de la salle, on éprouve, vis-à-vis de la réalisatrice et de ses comédiens, une sorte de reconnaissance pour nous avoir offert un tel moment d'humanité, loin du cynisme, du dédain, ou, pire, de la violence...

AnneSchneider
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 31 août 2017

Critique lue 1.5K fois

10 j'aime

3 commentaires

Anne Schneider

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

10
3

D'autres avis sur Bonne Pomme

Bonne Pomme
Fabien-Greault
5

Et de dix !

Deneuve-Depardieu, sans doute le couple le plus mythique du cinéma français. Trente-sept ans après leur première rencontre dans Le Dernier Métro de François Truffaut, Florence Quentin ose réunir à...

le 8 sept. 2017

5 j'aime

Bonne Pomme
TintinHtintin
4

Romance platonique de sénior (9 lignes)

Avoir 2 pointures du cinéma à l'affiche n'est pas nécessairement synonyme de bon film, Bonne pomme en est la preuve. Et bien que Deneuve et Depardieu soient parfaits comme bien souvent à leur...

le 15 août 2018

2 j'aime

Bonne Pomme
Fatpooper
6

La fuite

Pas mal ce petit film. J'ai ri à plusieurs reprises. Les personnages principaux sont bien écrits et les situations comiques globalement bien gérées. L'intrigue n'est pas très bien construite à cause...

le 12 févr. 2018

1 j'aime

Du même critique

Petit Paysan
AnneSchneider
10

Un homme, ses bêtes et le mal

Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...

le 17 août 2017

76 j'aime

33

Les Éblouis
AnneSchneider
8

La jeune fille et la secte

Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...

le 14 nov. 2019

73 j'aime

21

Ceux qui travaillent
AnneSchneider
8

Le travail, « aliénation » ou accomplissement ?

Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...

le 26 août 2019

70 j'aime

3